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Bonne lecture 🙂
Chronique de « Sang pour sang toxique »
Du Pr Jean-François Narbonne, 256 pages, publié en 2012
Jean-François Narbonne est professeur de toxicologie à l’Université de Bordeaux. Il présente des expériences de chercheur et d’expert auprès de l’agence sanitaire française (Anses). Il participe également à des groupes de travail au niveau de l’Union Européenne (UE) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Ce livre décrit la présence de substances préoccupantes dans l’environnement du quotidien, ainsi que les risques associés. L’auteur propose des recommandations pratiques pour s’en protéger.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la deuxième partie de la chronique. Il porte notamment sur la pollution issue des « 30 Glorieuses » et les évaluations de risque réglementaires. La première partie se trouve ici : Comment éviter que des substances toxiques se retrouvent dans le sang des enfants, avec le Pr Jean-François Narbonne (1/5)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- La chimie de synthèse peut transformer la structure des substances naturelles. Par exemple, cette transformation peut consister à y associer des atomes de chlore, de brome ou de fluor. Le système d’enzymes humains ne sait pas bien dégradé ces substances.
- Plus il y a de chlore dans une molécule, moins elle est facilement dégradable. Certaines molécules de la famille des dioxines ou des PCB, incluant plusieurs atomes de chlore, sont pratiquement non-dégradable : elles peuvent s’accumulent dans la chaîne alimentaire.
- Historiquement, le premier composé à avoir révélé ce phénomène d’accumulation est le DDT, un pesticide organochloré très utilisé après la seconde guerre mondiale, aujourd’hui interdit.
- Concernant certains polluants historiques comme les PCB, les risques sanitaire et environnementaux ont été longtemps sous-estimés, parce que ces substances ont une faible toxicité aiguë. Or les tests toxicologiques requis avant une commercialisation était centrés sur cette toxicité aiguë ; la toxicité chronique était insuffisamment évaluée. Pourtant, de nombreux polluants présentent des effets à long terme sur l’immunité, la reproduction, le cancer…
- La période des « 30 Glorieuses » peut être décrite par les étapes suivantes :
- Étape 1 : la découverte de propriétés utiles chez certaines substances conduit à leur production, plus ou moins massive. Leur production et leur utilisation entraînent certains niveaux de rejets dans l’environnement. La contamination de l’environnement se traduit par une contamination de la chaîne alimentaire. Cette contamination peut présenter de potentiels phénomènes de concentrations, d’autant plus fort que l’on se situe vers le haut de la chaîne alimentaire, où se trouve l’homme.
- Étape 2 : cette contamination multiple entraîne des effets sur les espèces végétales et animales, dont des effets sanitaires sur l’homme. Ces effets apparaissent avec plus ou moins de décalage dans le temps.
- Étape 3 : pour un effet donné, cette contamination multiple rend complexe l’identification de la ou des substances impliquées. Cette identification, lorsqu’elle s’avère possible, est souvent très longue.
- Étape 4 : au regard des impacts environnementaux et sanitaires observés, des mesures de gestion (interdiction, limitation d’usage…) sont élaborées pour diminuer les expositions. Dans le meilleur des cas, cette diminution permet de se rapprocher de l’état de santé antérieur à la contamination.
- L’expérience des 30 Glorieuses montre que le déroulement de l’ensemble de ces étapes peut prendre jusqu’à 50 ans.
- Prévoir tous les effets potentiels d’un produit chimique, avant sa commercialisation, est un exercice délicat, surtout dans les délais pertinents du point de vue commercial. Pourtant, une meilleure capacité de prédiction est absolument essentielle pour ne pas reproduire les erreurs du passé : DDT, PCB, dioxines…
- Face aux limites des évaluations des risques, préalables à une autorisation de commercialisation, le déroulement de ces quatre étapes pourrait être raccourci par le développement d’outils de surveillance de :
- la contamination des milieux d’exposition (air, eau, sol, aliments…) ;
- la santé de certaines espèces sensibles, comme les abeilles par exemple. Ces espèces pourraient jouer le rôle de « sentinelles » ;
- l’évolution des maladies dans les populations. En France, un certain niveau de veille sanitaire est réalisé par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS).
- Au regard des contaminations actuelles, les contaminations des 30 Glorieuses peuvent être considérées comme massives. Ce fort niveau de contamination, associé à un nombre de substances plus restreint, a facilité l’identification et la gestion des risques, dans la mesure des limites des techniques de mesures de l’époque.
- Aujourd’hui, l’environnement peut être contaminé par des milliers de substances chimiques différentes. En parallèle, les sources d’exposition sont plus nombreuses : professionnelles, domestiques, urbaines ou agricoles.
- Dans le cadre de la réglementation européenne sur les produits chimiques, appelée REACH (l’acronyme anglais pour Enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et restrictions des substances chimiques), plus de 150 000 substances sont aujourd’hui enregistrées auprès de l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA). D’autres substances sont soumises à des réglementations spécifiques : additifs, arômes, auxiliaires technologiques, matériaux d’emballages, produits de nettoyage, produits alimentaires, pesticides, médicaments, cosmétiques…
- Les expositions actuelles incluent des mélanges de plusieurs dizaines de substances, parfois appelés « cocktails de substances ». La plupart du temps, la toxicité d’un mélange ne peut être déduite des toxicités de chaque substance. Ces toxicités peuvent agir indépendamment, s’inhiber ou rentrer en synergie (négative).
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
La plupart des composés chimiques ne diminuent que très lentement, persistent dans l’environnement et s’accumulent dans l’organisme au cours de la vie.
L’aldrine, le chlordane, la dieldrine, l’endrine, heptachlor, le mirex, le chlordécone tous des pesticides organochlorés produits à cette époque, connaîtront le même sort [que le DDT] : ils seront interdits après avoir été portés aux nues.
Mais pourquoi ces composés se sont-ils retrouvés dispersés dans l’environnement ? Parce que durant de longues années, une mauvaise appréhension des risques présentés par ces substances et des déversements accidentels ont conduit à en rejeter dans l’environnement en quantité massive.
Les pesticides organochlorés, les PCB et les dioxines sont ce que l’on appelle des polluants organiques persistants ou « POP ». Ils possèdent des caractéristiques physiques et chimiques communes qui rendent leur présence dans l’environnement extrêmement problématique. D’abord ils sont capables de rester intacts durant de longues périodes de temps, généralement plusieurs années. Transportés par l’eau et par l’air, ils sont disséminés dans tous les compartiments de l’environnement, parfois sur de très grandes distances, ce qui explique qu’on les retrouve dans des zones éloignées de leurs lieux d’émission comme les régions arctiques. Par ailleurs, ils s’accumulent dans les graisses des êtres vivants (bioaccumulation) à des concentrations d’autant plus importantes qu’ils se situent en bout de chaîne alimentaire (biomagnification) – ce qui est le cas de l’homme. Ainsi, entre les sédiments d’une rivière et la graisse d’un animal situé en bout de chaîne alimentaire, une substance peut être concentrée jusqu’à 70 000 fois. Enfin, les POP peuvent se révéler extrêmement toxiques. Ils seraient impliqués dans le cancer, les allergies, les altérations des systèmes nerveux, hormonal et immunitaire. L’exposition de l’homme aux POP passe essentiellement par l’alimentation. Le lait, les œufs, les graisses animales, les poissons… sont les principaux vecteurs de ces substances.
Il est intéressant de noter une évolution parallèle de l’histoire du DDT (agriculture) et de celle des PCB (industrie) : leurs productions démarrent à la fin des années 1940, leurs utilisations massives correspondent aux années 1950 et 1960, les dommages pour l’environnement apparaissent au début des années 1960, les causes de ces dommages commencent à être élucidées à partir du milieu de cette décennie, les actions de restriction d’usage sont édictées à partir des années 1970 et la réduction des dommages pour l’environnement apparaît à partir de la fin des années 1980. Les scandales provoqués par l’utilisation massive de contaminants ont donc été à l’origine de la mise en place de réglementations de plus en plus contraignantes visant à éviter que les erreurs du passé se reproduisent. Mais ils montrent également combien il est difficile de prévoir toutes les conséquences de la mise sur le marché d’un produit chimique.
Le XXe siècle se caractérise par une multiplication des solutions chimiques à tous les problèmes humains même les plus anodins : le recours aux lingettes se banalise, les parfums d’ambiance sont utilisés dans tous nos environnements (y compris les voitures), les produits de décoration et les cosmétiques faisant appel à des adhésifs fluorés ou aux phtalates se multiplient, les produits de jardinage contiennent des préparations de pesticides multiples, l’efficacité des produits de nettoyage domestiques est portée à la puissance « industrielle » grâce à l’utilisation de détergents (alkylphénols et nonylphénols, éthoxylates, puissants biocides), les textiles deviennent intelligents grâce à l’utilisation d’hydrofuges, de substances déperlantes, de retardateurs de flamme et sont imprimés de décorations contenant des encres douteuses…. Bref, les progrès de la chimie contribuent à rendre notre quotidien plus facile et agréable mais en contrepartie, nos milieux de vie sont de plus en plus saturés de nouvelles substances dont certains effets sont de plus en plus inquiétants.
Nous sommes donc au contact d’un cocktail complexe de substances à des doses relativement faibles constituant un « bruit de fond ». Chacune des substances de ce cocktail peut agir au même moment que les autres, soit sur les mêmes cibles cellulaires, soit sur des cibles différentes, de manière synergique ou au contraire antagoniste. Difficile dans ces conditions d’évaluer les effets de ce cocktail par les méthodes de la toxicologie traditionnelle. En effet, avec des mesures de gestion basées uniquement sur une approche par la chimie analytique (dosage substance par substance), on se retrouve très vite confronté à des limites en termes de protection de la santé humaine et des écosystèmes. Il y a donc une nécessité absolue de réintroduire l’approche biologique (estimation de l’effet d’un ensemble de molécules sur certains paramètres physiologiques) dans les outils d’évaluation et de gestion des risques.
Par une approche théorique, on peut calculer le risque pour chaque famille de composés cancérogènes en fonction de l’exposition de la population générale en France. Cette estimation permet de dire que les contaminants présents dans les aliments sont associés à un risque de l’ordre de 20 000 cancers supplémentaires en France.
La troisième partie de cette chronique se trouve ici : Comment éviter que des substances toxiques se retrouvent dans le sang des enfants, avec le Pr Jean-François Narbonne (3/5)
Cette chronique met en avant l’importance de protéger les enfants des substances préoccupantes, car les effets potentiels pourraient être graves et pérennes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.
Photo par kennysarmy