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Bonne lecture 🙂
Bonjour à tous,
Compte tenu que nous passons la majeure partie de notre journée dans des environnements intérieurs, et tout particulièrement les enfants (domicile, école, crèche…), la qualité de l’air intérieur est un enjeu de santé publique aujourd’hui bien reconnu. Par exemple, il fait l’objet d’un observatoire dédié (Observatoire de la qualité de l’air intérieur – OQAI) et d’un plan d’actions national spécifique (Plan d’actions sur la Qualité de l’Air Intérieur (PQAI)).
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Améliorer la qualité de l’air intérieur – bonnes pratiques
Pour améliorer la qualité de l’air intérieur, les actions et les recommandations des pouvoirs publics s’articulent classiquement autour de trois principes de prévention :
- assurer un bon renouvellement de l’air intérieur : ventilation (intégrée au bâtiment) et aération manuelle (10 minutes par jour, été comme hiver [1-5]) ;
- réduire les sources de polluants spécifiques aux environnements intérieurs : bougies, encens, produits ménagers, diffuseurs de parfum, pesticides, peintures à fortes émissions, etc.
- surveiller la qualité de l’air intérieur : campagnes de l’OQAI, réglementation dans certains établissements recevant du public (crèches, écoles…)
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Traiter l’air intérieur pour l’épurer ?
Les recommandations des pouvoirs publics n’incluent pas l’utilisation de traitements de l’air intérieur, pour deux raisons principales :
- en règle générale, plus une action se trouve en amont de l’exposition, dans une logique de prévention, plus elle est efficace et moins elle est coûteuse. Cette logique du « agir le plus en amont possible » est très transversale et s’applique dans d’autres domaines : hygiène-sécurité au travail, risques psycho-sociaux, inondations, pollutions industrielles…
- à ce stade, l’efficacité et l’innocuité des traitements de l’air intérieur ont été jugées comme insuffisamment démontrées. En particulier, elles ne font pas l’objet de normes adaptées aux usages domestiques.
En 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un rapport sur les techniques émergentes d’épuration de l’air intérieur [6]. On y trouve les informations suivantes :
- « Depuis ces dernières années le marché de l’épuration de l’air intérieur se développe avec la commercialisation d’équipements revendiquant des propriétés d’épuration de l’air intérieur sous forme d’appareils autonomes, […] destinés à toute la population«
- L’épuration de l’air repose sur deux grands principes : le piégeage des contaminants ou leur destruction.
- Il est recommandé « d’informer la population des risques potentiels d’une dégradation de la qualité de l’air intérieur lors de l’utilisation de certains dispositifs d’épuration. L’attention sera attirée sur le fait que la dégradation de composés odorants, qui peuvent contribuer à la perception d’une mauvaise qualité de l’air, peut entraîner la formation de sous-produits non-odorants, mais qui peuvent être plus nocifs que les composés initiaux« . Cette information importante me semble assez peu connue… et assez inattendue pour une personne non-spécialiste !
- d’une façon générale, « les éléments scientifiques collectés et analysés ne permettent pas de démontrer une efficacité en conditions réelles d’utilisation des dispositifs d’épuration de l’air intérieur« , ce qui confirme et actualise ce qui est dit depuis de nombreuses années.
Autour de moi, je constate que la plupart des gens en a conclu qu’il était inutile de considérer l’achat d’un équipement de traitement de l’air pour leur habitation. Cette conclusion omet un point important : les conclusions de l’Anses portaient sur les équipements utilisant un procédé oxydant, tel que le plasma froid, la catalyse ou la photocatalyse, l’ozonation et l’ionisation ; les techniques reposant uniquement sur de la filtration n’étaient pas couvertes par le rapport… et l’Anses recommande par ailleurs [3] de considérer leur utilisation pour diminuer l’exposition aux particules, « pendant les périodes où les concentrations extérieures sont les plus élevées« .
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Juste filtrer les poussières
La filtration est une opération qui consiste à piéger des particules de l’air, en utilisant des phénomènes physiques et mécaniques : le tamisage, l’inertie, l’interception et la diffusion. En particulier, la filtration ne transforme pas chimiquement les substances, ce qui évite de créer des sous-produits dont la toxicité n’est pas maîtrisée.
La matière filtrante peut-être de nature variable : fibres synthétiques, fibres organiques d‘origine naturelle (coton, lin, chanvre), fibres de cellulose régénérée, fibres inorganiques (fibres de verre, céramiques, fibres de carbone, fibres métalliques etc.). Selon la taille et le type des particules à filtrer, chaque matière est plus ou moins efficace.
De nombreuses autres techniques d’épuration visent, elles, à transformer les polluants. Classiquement, l’objectif annoncé est la « destruction » des polluants, c’est-à-dire leur minéralisation en dioxyde de carbone (CO2) et en oxygène (O2). Néanmoins, en pratique, la minéralisation est incomplète : des produits secondaires sont formés – cétones, aldéhydes, particules, acides organiques, oxydes d’azote, etc. – et leur toxicité est variable : elle peut être supérieure à celle des substances visées par le traitement. Ainsi, l’Anses précise : « à ce jour seule la filtration mécanique est perçue par ces prescripteurs comme étant « sans danger » » [6].
La technique de filtration est également la mieux connue, car elle est couramment utilisée dans plusieurs contextes industriels : « la recherche nucléaire, les salles blanches, l’aéronautique, l’électronique, mais aussi dans les laboratoires et dans les hôpitaux » [6].
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Quelle garantie d’efficacité pour les filtres ?
Malheureusement, à ma connaissance, les équipements de filtration à usage domestique ne font pas encore l’objet d’une certification normalisée. Idéalement, cette certification reposerait sur des tests :
- validant un minimum d’efficacité pour réduire les concentrations en particules ;
- attestant que les recommandations de maintenance (entretien, changement de filtres…) sont adaptées aux effets liés au vieillissement de l’équipement ;
- conduits dans des conditions se rapprochant des usages domestiques envisagés par la plupart des clients privés.
Pour le moment, un utilisateur ne peut donc s’appuyer que sur les garanties affichées par les constructeurs. En complément, il pourra considérer les bonnes pratiques suivantes :
- entretenir régulièrement l’appareil : au fur et à mesure de son utilisation, les pores du filtre se bouchent petit à petit et son efficacité est réduite : un lavage ou un changement de filtres est donc régulièrement nécessaire. Par ailleurs, comme le rappelle l’Anses, « il est important de souligner que si ces dispositifs ne sont pas entretenus, ils peuvent être à l’origine d’une détérioration de la qualité de l’air » [6] ;
- choisir un appareil correctement dimensionné, au regard des conditions d’utilisation envisagées [3]. Pour ceux que les équations simples n’effraient pas trop 😉 ce dimensionnement peut s’appuyer sur un bilan massique simple, tel que celui présenté à la fin de cet article.
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A titre personnel, puisque j’habite à Paris et que les concentrations en particules ont un enjeu, j’envisage l’achat d’un appareil de filtration pour la chambre de mes enfants : je ferai un retour d’expérience sur le blog ! En parallèle, je serai attentif à :
- l’évolution des normes portant sur ces appareils, adaptées à des usages domestiques réalistes (ex : recirculation partielle du flux de sortie, pouvant produire des composés secondaires ; évolution des performances avec le vieillissement, etc.), éventuellement associées à certaines exigences réglementaires visant à d’augmenter les garanties d’efficacité ;
- la production de nouvelles études sur les effets de ces appareils sur la qualité de l’air intérieur, dans des conditions réalistes d’utilisations domestiques. Comme le rappelle l’Anses [6], « indépendamment de l’efficacité théorique d’une technologie donnée, ce sont les conditions effectives de sa mise en œuvre qui déterminent l’efficacité.«
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Et vous, possédez-vous un épurateur d »air par filtration à votre domicile ? En êtes-vous satisfait ? Partagez vos retours d’expérience dans les commentaires ! 🙂
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Références
- Centre d’études et d’expertise sur les risques le, la mobilité et l’aménagement (Cerema), et al. GUIDE GRAND AIR – Des idées pour inspirer ceux qui aspirent à changer d’air intérieur. 2016. https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide_grand_air.pdf
- Ministère en charge de l’environnement, Ministère en charge de la santé. Plan d’actions sur la Qualité de l’Air Intérieur (PQAI). 2013. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_Qualite_de_l_air_interieur_octobre_2013.pdf
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Caractérisation des transferts de pollution de l’air extérieur vers l’intérieur des bâtiments. Avis de l’Anses et rapport d’expertise collective. 2019. https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2016SA0068Ra.pdf)
- Santé publique France – Ministère chargé de la santé. Guide de la pollution de l’air intérieur. 2016.http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1187.pdf
- Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Au quotidien – un air sain chez soi. 2017.
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Identification et analyse des différentes techniques d’épuration d’air intérieur émergentes – Avis de l’Anses et Rapport d’expertise collective. 2017. https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2012SA0236Ra.pdf
- Dimitroulopoulou C. Ventilation in European dwellings: A review. Building and Environment, 2012. 47: p. 109-125.
- Dimitroulopoulou C et al. EPHECT II: Exposure assessment to household consumer products. Science of the Total Environment, 2015. 536: p. 890-902.
- Trantallidi M et al. EPHECT III: Health risk assessment of exposure to household consumer products. Science of the Total Environment, 2015. 536: p. 903-913.
Photos par Personal Creations et lynn-anne bruns
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Dimensionnement d’un appareil de traitement par filtration
Premiers éléments approximatifs issus d’un bilan massique simple (librement inspiré de [3])
Pour chaque polluant considéré, la capacité de l’appareil est exprimée par le débit d’air épuré (DAE, unité : m3/h). Le DAE doit avoir été déterminé à partir d’essais en chambre environnementale, suivant la norme NF B44-200.
En première approche, pour chaque pièce de maison ventilée avec un débit d’air Q, le ratio entre les concentrations intérieure et extérieure (ratio « I/E ») peut être déduit d’un bilan massique :
I/E = Q/(Q+DAE)
A titre d’illustration, dans une pièce dont l’air est renouvelé avec un débit Q = 90 m3/h, l’utilisation d’un épurateur de 10 m3/h de DAE conduira à un ratio I/E=0,9, soit une diminution de 10 % des concentrations extérieures. Cet abattement sera de 35 % avec un DAE de 50 m3/h.
Comment connaitre le débit Q de renouvellement d’air d’une pièce de maison ? Une revue de littérature sur le sujet [7] constitue une référence intéressante, qui a été utilisée pour une évaluation de risques sanitaires de référence en Europe [8, 9]. Cette revue indique un taux de renouvellement d’air moyen de 0,35 h-1 en France. Donc par exemple, pour une chambre d’une surface de 15 m2 et d’une hauteur sous plafond de 2,5 m, Q (m3/h) = 15 m2 x 2,5 m x 0,35 h-1 = 13 m3/h environ.
5 Responses
Merci beaucoup pour cet article, qui m’avaient clarifié les choses et qui donne de l’autonomie pour l’action.
Connais tu un moyen de vérifier soi même l’efficacité d’un traiteur dans la chambre où on le place ?
Vérifier soi-même l’efficacité de l’équipement, avec les spécificités de sa propre maison, cela nécessiterait de pouvoir disposer de capteurs à domicile. A ma connaissance, les capteurs domestiques, qu’on peut trouver dans le commerce ou sur Internet et qui affirment faire des mesures de qualité de l’aie intérieur (CO2, composés organiques volatils, particules), ont actuellement de faibles précisions de mesures.
La conséquence est que tu ne pourras pas disposer de mesures de concentration fiables. Néanmoins, ces capteurs pourraient te donner une information sur l’évolution des concentrations.
Par exemple, si le traiteur d’air ne fait pas évoluer les concentrations mesurées par le capteur, alors cela suggère que le traiteur n’a pas d’influence significative. A l’inverse, si les concentrations mesurées sont divisées par 10, c’est plutôt bon signe !
[update] D’après un rapport récent produit par les pouvoirs publiques (LAVARDE P et al. L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur – Bilan et perspectives. Rapport CGEDD n° 012430-01, IGAS n° 2018-085 et IGA n° 18073 R. Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Inspection générale de l’administration (IGA), Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 2019. http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2018-085R-OQualiteAir-D.pdf) « Pour l’instant, les micro-capteurs ne sont pas encore suffisamment précis pour être systématiquement utilisés pour les mesures officielles. Ce constat confirme les conclusions antérieures de l’Organisation mondiale de la santé pour qui les capteurs à faible coût ne sont, à ce jour, pas un substitut direct aux mesures de référence, en particulier pour des enjeux réglementaires, mais ils représentent une source complémentaire d’information.
Je vous invite à contacter la société française Teqoya qui propose une technologie interessante – vous pouvez les contacter de ma part ( Dalila COMTE), merci pour vos articles détaillées.