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Comment protéger les enfants des pesticides présents dans l’environnement du quotidien (5/6)

La transition vers le bio est irréversible et nous devons y aller. - Didier Guillaume (2018), alors ministre en charge de l’agriculture

Aujourd’hui on connaît mieux les risques et les dangers pour la santé humaine et pour la bio-diversité. Il est devenu nécessaire de réduire considérablement la consommation des produits phytopharmaceutiques de synthèse et d’opérer une transition agricole de grande ampleur. – Mission parlementaire sur les pesticides (2018)

Bonjour à tous,
Cet article porte sur les limites de la gestion des risques actuelle, notamment pour les produits phytosanitaires.

Il fait partie d’une série portant sur les risques liés à la présence de pesticides dans l’environnement du quotidien, considérés du point de vue de parents souhaitant protéger la santé de leurs enfants. Le premier article de la série a fait une présentation générale des pesticides. Notamment : définition, utilisations, principales familles, etc. Les articles suivants ont successivement porté sur les effets potentiels (« dangers ») des pesticides, sur les différents types d’expositions existantes pour la population générale, les enfants en particulier, et sur les évaluations de risques existantes pour les pesticides.

La gestion des pesticides par les pouvoirs publics fait actuellement l’objet de controverses. Quelles sont les principales limites mises en avant dans les débats ? Les paragraphes suivants en constituent une revue.

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Malgré toutes les mesures prises et les bonnes intentions affichées, la consommation de produits phytosanitaires ne diminue pas

La réduction de l’utilisation de pesticides fait l’objet de politiques publiques depuis de nombreuses années. Face à un constat d’insuffisance, le premier plan Écophyto (« Écophyto 1 »), établi en 2009 à la suite du Grenelle de l’environnement, a fixé un objectif quantifié : réduire de 50 % l’utilisation de pesticides d’ici 2018. Cet objectif n’a pas été atteint, notamment car :

  • d’après le rapport de la Mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, daté de 2012 [1], « Peu d’outils obligatoires ou coercitifs ont été mis en place » et « l’atteinte des objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides dépend intégralement de la bonne volonté des acteurs de terrain et n’est en rien garantie ». [Guillaume : en gras dans le texte].
  • Comme le souligne Béatrice Buguet de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « le premier plan Écophyto a fixé l’objectif de réduire dans les dix ans à venir l’usage des pesticides de 50 %, si possible. C’est intéressant, mais en fixant un objectif de politique publique, puis en ajoutant une virgule suivie de « si possible », il est peu probable que cela fonctionne. » [14]

 

Les ventes de l’ensemble des produits phytosanitaires ont augmenté de 21% entre 2017 et 2018

  • malgré les engagements des pouvoirs publics, les ventes de pesticides ont augmenté (!) de 5 % entre la période 2009-2011 et la période 2011-2013, et de 9,4% entre 2013 et 2014 [2], ce qui a rendu quasi-impossible une diminution de 50 % en 2018. Pire, début 2020, le comité d’orientation stratégique et de suivi (COS) du plan Écophyto actuel (dit « 2+ ») constate que « les ventes de l’ensemble des produits phytosanitaires ont augmenté de 21% entre 2017 et 2018 » [12]… et la Cour des comptes ne mâche pas ses mots « En dépit de la mobilisation de fonds publics pouvant être estimés, pour 2018, à environ 400 M€ […], les effets des plans Écophyto demeurent très en deçà des objectifs fixés » [13].
  • les moyens d’actions étaient insuffisants, ce qui a été communément admis peu après la mise en place d’Ecophyto. Par exemple, dès 2012, le ministre en charge de l’agriculture déclarait que l’objectif de réduction ne pourrait être atteint [3].

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Produits phytosanitaires : les pommes, un des fruits les plus traités

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Objectif de réduction, reporté faute de résultats

En 2015, le deuxième plan Écophyto (« Écophyto 2 » puis « Ecophyto 2+ ») a reconduit l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation de pesticides, en décalant la date-cible à 2025. Cet objectif reporté sera-t-il être atteint ? Plusieurs éléments permettent d’en douter :

  • selon le rapport de la récente mission interparlementaire sur les pesticides, daté de 2018 [4] :
    • une réduction significative d’utilisation pourrait être obtenue si les agriculteurs possédaient des équipement d’épandage de précision, ce qui est peu fréquent à ce stade. Un renouvellement généralisé des équipements actuels devrait prendre du temps.
    • Le nombre de fiches-action du dispositif des Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est « très insuffisant par rapport à la diversité des cultures, des contextes pédoclimatiques et des ravageurs potentiels […] Les grandes cultures sont très en retard dans la mise au point de méthodes et produits de substitution ».
    • Le développement de techniques alternatives prend du temps. Par exemple : mise au point de techniques, adaptation des techniques à la diversité des situations territoriales, expérimentation. Et aussi : délai pour convaincre des agriculteurs pionniers puis délai pour convaincre les autres agriculteurs, transition sur le terrain (« L’identification des solutions adaptées aux cultures visées et aux conditions spécifiques de son exploitation se fera souvent par tâtonnements et leur stabilisation peut prendre plusieurs années »).

 

Difficultés : moyens et complexité à maîtriser

    • La mise au point à court terme de techniques alternatives nécessite une hausse significative des financements des organismes de recherche. Or, actuellement, le contexte budgétaire national est très contraint.
    • « Renoncer à des produits phytopharmaceutiques pratiques d’emploi et d’une grande efficacité pour un prix dérisoire, réapprendre la complexité agronomique quand, depuis plus de 70 ans, les agriculteurs ont appris à simplifier leurs pratiques et à mécaniser au maximum leurs actions pour gagner en productivité n’est pas évident.»
    • Les cahiers des charges de l’industrie agroalimentaire requièrent l’absence de tout défaut, notamment visuel, ce qui est difficilement obtenu sans l’utilisation de pesticides. De manière indirecte, baisser la consommation de pesticides présuppose que les consommateurs acceptent (à nouveau) des produits tâchés et de formes irrégulières.
  • Les ventes de produits phytopharmaceutiques à usage agricole ont baissé de 2,7 % entre 2014 et 2015 [5]. Cette évolution, annoncée comme « encourageante » par le ministère en charge de l’agriculture, si elle était maintenue sur 10 ans, ne permettrait pas d’atteindre une réduction de 50 %. Et de toute façon, le ministère indique que, en valeur moyenne triennale, les ventes « augmentent néanmoins de 4,2% entre les périodes 2012-2014 et 2013-2015 ». Dans la même tendance :
    • le ministère chargé de l’environnement indique une augmentation des ventes d’environ 1 % entre la période 2013-2015 et la période 2014-2016 [6].
    • le ministère chargé de l’agriculture indique une augmentation des ventes de + 0,3 % entre 2015 et 2016.

 

Pas d’objectif contraignant à l’échelle européenne

  • A l’échelle de l’Union européenne, aucun objectif de réduction n’est réglementairement obligatoire [4, 7].
  • Selon un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) daté de 2017 [8], certaines situations culturales constituent des « impasses à titre provisoire », c’est-à-dire que « la seule alternative envisageable à court terme consiste à réaliser la destruction à la main de la flore vivace ».
  • Écophyto 2 n’inclut aucune mesure visant à augmenter la demande en aliments avec pas ou peu de pesticides. Par exemple : promotion des produits bio et locaux, des labels de qualité dans la restauration collective, etc. [9]

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Augmentation des ventes
Évolution de la consommation de produits phytosanitaires en usage agricole (sources : DGAL – BNV-D) [6]
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Améliorer la gestion des produits phytosanitaires : pour la suite

En écho à ces éléments de doute, dès 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a recommandé de « Revoir la stratégie du plan Ecophyto en mettant en œuvre dès maintenant, sans attendre 2020, une réelle politique d’accompagnement des acteurs à la réduction d’utilisation des pesticides : fondée sur la recherche d’une moindre dépendance des systèmes de culture et de production aux pesticides permise par des stratégies de reconception de ces systèmes » [10].

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Encore un peu plus gênant : à l’issue de re-évaluation périodiques de risques, lorsque les produits à base de certaines substances antérieurement autorisées sont alors interdits, leur utilisation peut continuer sur le terrain. Cette utilisation est significative, car elle est mesurée/analysée à la suite des remontées d’informations des centres antipoison [11].

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Bon, ce cinquième article va être plus long que prévu. Je vais m’arrêter là pour respecter mon engagement d’ « articles à environ 1000 mots ». La revue des principales critiques faites à la gestion des pesticides sera poursuivie dans un prochain article. Comment protéger les enfants des pesticides présents dans l’environnement du quotidien (5/6) suite

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Références – produits phytosanitaires

  1. Bonnefoy N. Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement. Tome 1 : Rapport. 2012. Notamment : lien. Et aussi :
  2. Ministère en charge de l’Ecologie. Chiffres clés de l’environnement. Partie 3. ÉCONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT ET ÉVOLUTION DES COMPORTEMENTS. Pesticides. 2017. Consulté en particulier le 06/12/2018. Et également :
  3. Chevallier L. Le Livre antitoxique. Fayard 2013. Et aussi :
  4. Martin D, Menuel G. Rapport d’information déposé par la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Assemblée Nationale, 2018. Notamment : lien. Et également :
  5. Ministère en charge de l’agriculture. Déploiement du plan Ecophyto : des résultats encourageants. 2017.  Notamment : lien. Consulté en particulier le 05/12/2018. Et également :
  6. Observatoire national de la biodiversité (ONB). Évolution de la consommation de produits phytosanitaires en usage agricole. 2018. Notamment : lien. Consulté en particulier le 16/10/2018. Et aussi :
  7. Parlement européen, 2009. Règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. Notamment : lien. Et également :
  8. Institut national de la recherche agronomique (INRA). Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française. 2017. Notamment : lien. Et aussi :
  9. Vasseur V. Désintoxiquez-vous. Flammarion 2016. Et également :
  10. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Expositions professionnelles aux pesticides en agriculture – Volume n°1 : Volume central. 2016. Notamment : lien. Et aussi :

Davantage de références – produits phytosanitaires

  1. Vigil’Anses n°7 – Le bulletin des vigilances de l’Anses. Numéro 7. Février 2019. Notamment : lien. Et également :
  2. Le Figaro.fr. La vente de produits phytosanitaires en forte hausse en 2018 en France. Notamment : lien. Et aussi :
  3. Cour des comptes. Le bilan des plans Écophyto. 2019. En particulier, publié en janvier 2020. Notamment : lien. Et également :
  4. Audition de Béatrice Buguet. Dans : Toutut-Picard E, Josso S. Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Tomes 1 et 2. Assemblée Nationale 2020. Notamment : lien.

Photos notamment par home grown

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