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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Perdus sans la nature »
de François Cardinal, 208 pages, publié en 2010
François Cardinal est journaliste québécois et essayiste. L’aménagement urbain fait partie de ses sujets d’expertise. Il est actuellement éditorialiste en chef au quotidien La Presse.
Ce livre porte sur la disparition progressive de la nature dans la vie des enfants, sur les problèmes de santé qui en découlent, et sur les actions qui peuvent y remédier. « Perdus sans la nature » s’appuie sur des enquêtes, des recherches scientifiques et des entretiens avec des experts de domaines variés.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en quatre parties ; cet article est le deuxième article de la chronique. Il porte notamment sur les notions de biophilie et d’intelligences multiples. Le premier article de la chronique se trouve ici : François Cardinal alerte : nos enfants sont « perdus sans la nature » (1/4)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- La nature est le milieu dans lequel l’espèce humaine a toujours évolué. S’en distancier génère différents types de troubles, physiques et mentaux, communément désignés par le vocable « syndrome du manque de nature » (de l’anglais nature-deficit disorder). Les enfants sont généralement les plus touchés.
- L’être humain aurait une affinité innée avec la nature, qu’il chercherait à chaque étape de son développement. Cette affinité est appelée « biophilie » par le célèbre entomologiste Edward O. Wilson. Cette hypothèse est appuyée par de nombreux résultats scientifiques récents.
- En 1983, Howard Gardner, professeur au département d’éducation de Harvard, proposait sa fameuse théorie des intelligences multiples : spatiale, interpersonnelle, verbo-linguistique, etc. 16 ans plus tard, il a proposé une intelligence supplémentaire : l’intelligence naturaliste. Cette intelligence permet aux êtres humains de reconnaître, de classifier et de profiter de certaines caractéristiques des environnements naturels.
- En règle générale, bien que cela soit contre-intuitif, une activité sportive organisée génère moins d’efforts physiques qu’une séance de jeu libre dans la nature, car une activité organisée comprend de nombreux temps morts : se rendre dans un lieu potentiellement éloigné, changer deux fois d’habits, se regrouper, écouter des consignes, apprendre des gestes techniques et des stratégies, parfois attendre son tour, etc. Selon les sources, le temps d’activité effectif se trouve entre un quart et deux tiers du temps consacré à l’activité.
- Une plus faible dépense d’énergie n’est pas le seul inconvénient des sports organisés. Un enfant qui ressent un trop plein d’énergie ou de tensions va naturellement l’évacuer par le jeu, au moment où il en a besoin. Un enfant a besoin de se dépenser fréquemment, quasiment tous les jours, en fonction de ses expériences de vie, et pas à un unique moment dans la semaine.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Je crois qu’il y a d’abord une crainte des adultes vis-à-vis des insectes, une peur qu’ils transmettent à leur insu à leurs enfants. Or, si les enfants ont la chance d’échapper à cette crainte-là, c’est tout le contraire qui se passe : ils aiment les insectes et ils en sont très curieux, ils sont fascinés. Les insectes étant tout petits, ils sont vraiment à la portée des enfants. […] La crainte vient de la méconnaissance. On met trop souvent l’attention sur les quelques insectes dérangeants — je n’ose pas dire nuisibles, car ils ont tous un rôle écologique. […] les insectes ne se résument pas aux guêpes et aux moustiques.
Parmi les travaux réalisés sur ce sujet, les plus intéressants sont certainement ceux du chercheur en neuroscience comportementale Sergio Pellis de l’Université de Lethbridge en Alberta. En analysant le comportement des rats, il a démontré le lien entre le jeu et le développement du cortex préfrontal. Encore mieux, il a révélé un lien entre l’absence de jeu et le développement de toutes sortes de troubles mentaux et comportementaux. En comparant deux groupes de rats, l’auteur de The Playful Brain a en effet constaté qu’une série de déficits cognitifs apparaissaient chez ceux qui étaient privés de jeu. L’impact sur la neurogenèse et la synaptogénèse du cortex préfrontal se traduisait aussi par des difficultés sociales et affectives. Peut-on en conclure, de la même manière, que les enfants privés de jeu développent toutes sortes de problèmes de comportement ? « Oui », répond le Dr Pellis dans une entrevue au magazine Québec Science. « L’épidémie de troubles de l’attention qu’on observe chez les enfants est entre autres le reflet de l’environnement de plus en plus rigide dans lequel on leur demande de fonctionner, estime-t-il. En intégrant des périodes de jeu non structuré à l’école, on favoriserait sans doute leur motivation et leur persévérance. »
Le temps alloué à ne rien faire, aux rêveries, à l’imaginaire, à donner des coups de pied dans une roche est en effet en déclin, ici comme ailleurs. Appelons cela la tyrannie du « je-ne-sais-pas-quoi-faire ». Les enfants ont complètement perdu l’habitude d’être laissés à eux-mêmes. Ils exigent donc, dès qu’ils ont une toute petite minute de libre, que les parents leur proposent un jeu, une activité, ou, encore mieux, qu’ils les autorisent à regarder un écran. Exit le jardin secret, l’espace de liberté dans lequel l’enfant peut grandir à sa manière.
Il est fréquent d’entendre un parent répondre à son enfant qui s’ennuie : “Je ne peux pas croire que tu te plains, alors que tu as une heure pour t’amuser avec tous ces jouets !”, […] Mais le temps de cet enfant est habituellement tellement organisé, qu’il ne sait plus s’organiser lui-même. Il est complètement dépendant des adultes.
Trop de risques et vous placez l’enfant en situation de danger. Trop peu de risques et vous échouez à lui fournir les outils nécessaires au développement psychologique.
En France, la psychanalyste Sylviane Giampino et la neurobiologiste Catherine Vidal ont lancé un pavé dans la mare, fin 2009, avec leur livre Nos enfants sous haute surveillance, dans lequel elles qualifient l’agitation des enfants de mal du siècle. Elles montrent du doigt leur vie saturée de stimulations, de zapping, de gadgets électroniques, mais vide de pauses, de jeux, de retrouvailles avec soi-même, de « ressenti », comme disent les Français. Autant de choses, évidemment, que la nature permet.
La suite de cette chronique se trouve ici : François Cardinal alerte : nos enfants sont « perdus sans la nature » (3/4)
Photo par Rebecca Sims