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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Ces maladies créées par l’homme : Comment la dégradation de l’environnement met en péril notre santé »
de Dominique Belpomme, en collaboration avec Bernard Pascuito, 384 pages, publié en 2004
Dominique Belpomme est médecin et professeur de cancérologie à l’université Paris-Descartes. Il est notamment connu pour être l’initiateur de l’Appel de Paris et pour ses travaux sur le chlordécone aux Antilles.
Ce livre traite de l’influence d’un environnement pollué sur l’apparition de maladies chez l’Homme. Sa publication a donné lieu à une forte polémique. Un livre à lire pour quelqu’un (comme moi !) qui veut augmenter sa culture générale en santé-environnement.
Cette chronique comprend deux parties. Cet article constitue la deuxième partie. la première partie se trouve ici.
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- Les seuils fixés par les normes réglementaires sont le plus souvent trop élevés pour éviter l’apparition des cancers.
- Les polluants du quotidien classiquement considérés comme préoccupants incluent :
- les pesticides, dont le DDT, le DDE, le lindane, etc.
- les métaux lourds, plus précisément appelés ETM, pour éléments trace métalliques : plomb, arsenic, chrome, nickel, …
- les HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques), dont les dérivés du benzène ;
- les dioxines, notamment celles produits par les incinérateurs de déchets ;
- les particules atmosphériques, notamment celles issues des moteurs diesel ;
- les substances issues des plastiques, notamment le PVC ;
- certains additifs alimentaires : amarante, tartrazine, indigotine, cochenille, érythrosine, …
- Les maladies classiquement associées à des pollutions environnementales sont les suivantes : asthme, allergies diverses, cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, maladies neurodégénératives, stérilité… c’est-à-dire la plupart des « maladies de civilisation ».
- Le nombre de cancers augmente chez les jeunes, en particulier chez les enfants, de même que le nombre de malformations congénitales.
- A la naissance, le système nerveux n’est pas encore mature chez l’enfant. Il se développe pendant les premières années et est fortement influencé par l’environnement. Ces premières années sont cruciales pour la santé mentale du futur individu.
- La plupart des scientifiques travaillent de façon cloisonnée. Leur champ d’étude et de compétences est devenu très spécialisé : ils ont perdu leur capacité à prendre du recul, à comprendre les autres disciplines et à construire une vision globale.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Beaucoup de nos concitoyens considèrent que les cancers ont toujours été fréquents, parce qu’ils sont personnellement touchés par la maladie ou parce que des membres de leur famille le sont. Ils pensent que le cancer existe depuis longtemps. C’est en fait l’absence de repère historique qui crée cette illusion, car, de mémoire d’homme, le cancer apparaît effectivement fréquent. La raison en est que, depuis la Seconde Guerre mondiale, au moins deux générations se sont succédé et que l’augmentation du nombre de cas de cancers donne l’impression qu’il a toujours existé. Cela ne correspond pas à la réalité.
[Concernant la maladie « de la vache folle » et celle de Creutzfeldt -Jacob] C’est initialement parce qu’on a transgressé les lois naturelles, en nourrissant des herbivores avec des farines carnées, que la maladie est survenue, d’abord chez ces animaux, puis chez l’homme
Ce qui est nouveau n’est donc pas les allergies et la crise d’asthme, mais leur fréquence accrue. On admet que dans notre pays l’asthme touche 3,5 millions de personnes, dont essentiellement des enfants et des adultes jeunes. En Europe, un enfant sur sept est asthmatique.
Il ne faut pas généraliser, mais il est évident qu’on en dit trop sur les possibilités de la génétique et qu’on en attend trop. Son intérêt apparaît clair au niveau des tests de dépistage, car ils sont capables de déceler des maladies dont on pourrait ignorer jusqu’à l’existence même. Mais au niveau des traitements, la situation n’est pas comparable.
Prenons l’exemple de la thérapie génique en cancérologie. Celle-ci consiste à introduire un gène étranger, un transgène, dans les chromosomes d’une cellule, pour corriger la maladie. Malheureusement, on réalise aujourd’hui que la thérapie génique n’arrivera jamais à venir à bout de la grande majorité des cancers. Pour de multiples raisons, dont trois sont essentielles :
- parce que, lorsqu’on diagnostique un cancer, le nombre de mutations dans les cellules cancéreuses est très élevé. En effet, le cancer résulte initialement de l’accumulation de plusieurs mutations et plus il se développe, plus leur nombre est croissant. Ainsi, en introduisant un gène, on ne peut corriger toutes les anomalies ;
- parce que le procédé utilisé (l’insertion d’un transgène dans le génome) est contre nature. Toute cellule n’accepte que difficilement un gène étranger, et même, le plus souvent, ne l’accepte pas ;
- enfin, parce qu’on est dans l’impossibilité de savoir exactement où le gène étranger (le transgène) s’insère dans la cellule. À tel point que, dans certains cas, une telle insertion peut faire plus de mal que de bien, aggraver la maladie plutôt que la juguler.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les progrès de la biologie ont été foudroyants. Mais on a davantage appris à comprendre les maladies qu’à les maîtriser. L’exemple criant en est, là encore, le cancer. On comprend parfaitement comment un cancer naît, se développe et entraîne la mort. Est-ce inutile ? Certainement pas ! Les connaissances accumulées depuis ces dernières années, en nous faisant mieux comprendre la maladie, nous font entrevoir qu’en raison de sa complexité nous n’arriverons jamais à la maîtriser complètement, à la juguler de façon radicale, chez tous les malades. Hier, les connaissances sur le cancer pouvaient être contenues dans quelques livres, aujourd’hui elles le sont dans des bibliothèques entières. Chaque année, les revues de cancérologie s’épaississent, alors que simultanément les progrès réalisés chez les malades demeurent modestes. C’est là que réside la découverte essentielle du siècle dernier et de ce siècle commençant : ni la biologie ni la médecine ne seront demain en mesure d’éradiquer toutes les maladies, de guérir tous les malades.
Ce n’est pas parce qu’on réalise une prouesse sur quatre ou cinq cas qu’elle est applicable à tous, tout simplement parce que toute prouesse médicale est complexe à mettre en œuvre, que, par définition, elle n’est pas généralisable et qu’elle coûte cher à la société […] Cette tromperie amène à médiatiser de faux espoirs. Les médecins et chercheurs doivent faire extrêmement attention à ce qu’ils disent dans les médias, car chaque malade n’attend qu’une chose : qu’on le guérisse.
5 à 6 % du budget de la santé sont consacrés à la prévention : une goutte d’eau face à la médecine de soins, alors que tout le monde s’accorde à dire que la prévention est importante.
Mon avis
Les + :
- Un livre riche en information et présentant un point de vue très connu, très controversé, et donc à connaitre pour quelqu’un qui cherche à approfondir ses connaissances et sa culture générale en santé-environnement ;
- Un message essentiel : replacer la prévention au cœur de l’approche de santé, car 1) le manque de prévention pourrait être un contributeur significatif à l’apparition même des maladies 2) il semble imprudent d’attendre de la médecine et de la biologie qu’elles guérissent toutes les maladies.
Les – :
- Je reste prudent, par principe, avec les livres qui traitent d’autant de thèmes en si peu de pages, surtout quand certains sujets sortent du domaine de compétences direct de l’auteur : histoire des sciences, histoire de l’Economie, montée en puissance du terrorisme, philosophie (le rapprochement de Nietzsche et du nazisme en fera bondir plus d’un autour de moi 🙂 ) ; Analyse historique du système économique et de ses répercussions en matière de santé ; , assène des vérités évidentes sur un peu tous les sujets) ;
- J’aurais préféré que le Pr Belpomme consacre une partie de son livre à comment on peut se protéger au niveau individuel, à quelles recommandations pratiques on peut mettre en œuvre au quotidien.
- Avec des thèses aussi fortes, j’aurais aimé trouvé des argumentations plus étayées.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, le Pr Belpomme me semble être un des acteurs principaux de la santé-environnement en France. Ce livre a été l’occasion de nombreuses polémiques : il est considéré comme une référence du domaine, avec estime ou dédain selon les personnes. Il a été publié il y a plus de 10 ans maintenant : quelle est la position du Pr Belpomme aujourd’hui ? Comment la situation a-t-elle évolué depuis 2004 selon lui ? C’est ce que nous découvrirons à l’occasion d’une prochaine chronique, celle de son tout dernier livre, publié en avril 2016 : Comment naissent les maladies… et que faire pour rester en bonne santé.
Photo par Gaëtan Zarforoushan