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Bonne lecture 🙂
Bonjour à tous !
Cet article fait partie d’une série d’articles portant sur la détoxification, cette capacité du corps à neutraliser et à éliminer des substances toxiques. La détoxification est associée à de forts enjeux sanitaires, puisque l’absence d’exposition significative semble inatteignable dans le monde moderne.
Le premier article de la série se trouve ici : Détoxification des enfants : une nécessité. Après avoir traité des limites des barrières biologiques et de la nécessité de se détoxifier, le présent article présente les mécanismes de détoxification du corps humain.
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Comme détaillé dans le deuxième article de la série (Comment le corps se protège-t-il des polluants environnementaux ?), les différentes barrières biologiques (peau, poumons, intestins, barrières internes…) laissent pénétrer une certaine quantité de substances toxiques à l’intérieur du corps. C’est notamment le cas des substances chimiques de synthèse, et c’est également le cas de substances toxiques présentes dans des environnements naturels peu transformés : issus de plantes, de champignons, d’insectes, etc. D’après la logique de l’approche ancestrale, puisque des environnements naturels ont façonné le fonctionnement de l’organisme pendant des millions d’années d’évolution, selon le principe de la sélection naturelle, il est logique que le corps humain ait développé un système de détoxification, afin de minimiser les effets des substances qui y pénètrent [1, 3].
Concrètement, que se passe-t-il lorsqu’une substance toxique pénètre dans l’organisme ?
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Le système immunitaire est activé, ce qui est logique si son rôle est bien :
- de distinguer le « soi » du « non soi », ou plus précisément de distinguer ce qui est bon pour le fonctionnement du corps de ce qui ne l’est pas ;
- d’enclencher des sortes d’opération de « nettoyage », en cas de besoin.
Plus précisément, les réactions immunitaires enclenchées sont différentes de celles associées aux bactéries et aux virus, car le système immunitaire acquis (celui élaboré puis mémorisé après un contact avec des bactéries et des virus) n’est pas efficace pour reconnaître, éliminer et garder en mémoire les molécules simples et les particules agrégeant diverses molécules (ex : pollution atmosphérique) [2]. L’organisme met alors en œuvre deux systèmes :
- le système immunitaire inné (le système de base, qui est indépendant des bactéries et des virus rencontrés au cours de la vie) ;
- des systèmes d’enzymes de détoxification.
Le système immunitaire inné peut agir sur des polluants de grande taille : grosses molécules et particules. Il utilise deux outils non spécifiques : les protéines du système du complément (ou plus simplement : « protéines du complément ») et les macrophages [2, 3].
Certaines protéines du complément, appelés « récepteurs », jouent un rôle de détection des polluants et d’activation de mécanismes de détoxification et d’élimination [2-13] : protéines PAS (récepteur AhR…), récepteurs nucléaires (récepteurs PXR, CAR, Nrf2…)… Ces récepteurs détectent la présence de contaminants sur la base de critères physico-chimiques complexes, encore imparfaitement compris [3, 11, 14].
Les macrophages sont de grandes cellules capables de phagocyter des particules. Des enzymes internes aux macrophages ont pour objectif de « digérer » (décomposer en éléments simples) les particules phagocytées. En pratique, ces enzymes s’avèrent généralement peu efficaces sur des substances chimiques de synthèse [2] ; ce constat n’est pas surprenant, du point de vue évolutionniste, car l’apparition de substances chimiques de synthèse est récente à l’échelle de l’évolution de l’organisme humain (quelques dizaines d’années / quelques millions d’années).
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Les polluants plus petits seront pris en charge par des systèmes d’enzymes de détoxification [2, 48], activés suite à la détection et au déclenchement de la réponse immunitaire par les protéines du complément [10]. Ces enzymes visent à neutraliser et à transformer les polluants, de manière à faciliter leur élimination.
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Les fluides utilisés pour l’élimination en dehors du corps incluent la bile (intégrée aux selles, dans les intestins), l’urine et, dans une moindre mesure, la sueur. Ces fluides, de même que le sang et la lymphe, sont des solutions aqueuses (principalement composées d’eau) qui transportent préférentiellement les molécules hydrophiles, c’est-à-dire facilement solubles dans l’eau [1, 2, 4, 9, 10, 13-23].
Malheureusement, de nombreux polluants environnementaux sont lipophiles : ils sont facilement solubles dans les graisses et difficilement solubles dans l’eau. Cette lipophilie :
- favorise la pénétration dans les cellules, car les membranes cellulaires sont particulièrement perméables aux substances lipophiles. Ceci augmente le niveau de préoccupation associé à ces substances, et donc le besoin de les éliminer rapidement ;
- empêche une élimination efficace par les fluides aqueux du corps : bile, urine, sueur…
Pour faciliter l’élimination des polluants lipophiles, plusieurs enzymes ont pour rôle de transformer ces polluants, dans l’objectif de les rendre plus hydrophiles [2, 3, 5, 24]. Ces transformations font partie du métabolisme : on dit que les polluants sont « métabolisés » ; les molécules transformées sont appelées « métabolites » [25].
Historiquement, du point de vue scientifique, ces mécanismes ont été principalement étudiés par des travaux de recherche en pharmacie et en cancérologie [14, 19, 26-29].
Cette métabolisation, processus complexe ayant lieu à l’intérieur des cellules, est classiquement décrite par trois phases successives [1-7, 9, 13-23, 30-39], détaillées dans les paragraphes suivants.
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Phase 1 de la détoxification, dite de « fonctionnalisation »
Une première phase de transformations a lieu après l’entrée d’un polluant lipophile dans une cellule. Ces transformations consistent principalement en l’ajout d’un atome d’oxygène, ce qui rend le polluant (plus polaire, donc) plus réactif et plus hydrophile.
Les principales enzymes impliquées incluent les cytochromes P450 [22, 34, 35, 38, 40-42].
Les nutriments utilisés dans cette phase sont variés et incluent [14, 20, 43] : riboflavine (vitamine B2), niacine (vitamine B3), acide folique (vitamine B9), vitamine B12, pyridoxine (vitamine B6), glutathion, phospholipides, flavonoïdes…
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Pour certains polluants, cette transformation permet de devenir suffisamment hydrophiles pour être éliminés. Pour d’autres polluants, la transformation de phase 1 produit des métabolites qui sont encore insuffisamment lipophiles pour être éliminés. Néanmoins, l’ajout d’un atome d’oxygène forme un métabolite plus réactif que le polluant initial, ce qui permet de faciliter l’ajout ultérieur de molécules hydrophiles [38, 44].
Malheureusement, en devenant plus réactifs, ces métabolites augmentent leur capacité à interagir avec d’autres éléments de la cellule, et peuvent donc aussi devenir plus toxiques. Par exemple, c’est le cas de composés appelés « dérivés réactifs de l’oxygène » (DRO ; en anglais, reactive oxygen species, ROS) incluant des radicaux libres [3, 5, 20, 21, 43, 45, 46].
Ainsi, le “stress oxydatif”, ou “stress oxidant”, désigne une compensation incomplète de l’action des DRO par des substances « antioxydantes » [47]. Ce stress oxydant peut porter sur un organe particulier ou sur la totalité de l’organisme.
Les métabolites toxiques les plus connus incluent l’acétaldéhyde, métabolite de l’éthanol (alcool), et le BPDE, métabolite du benzo-a-pyrène pouvant facilement endommager l’ADN [23].
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Comment le corps va-t-il gérer ces métabolites toxiques qui ne peuvent pas encore être éliminés ? C’est ce que nous approfondirons dans un prochain article : Comment le corps se dépollue : détoxification, phases 2 et 3
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Références
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Photo par Walter A. Aue