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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Le Cerveau endommagé »
De Barbara Demeneix, 411 pages, publié en 2016
Barbara Demeneix est biologiste. Elle dirige le laboratoire « Évolution des régulations endocriniennes » du Muséum d’histoire naturelle. Ses domaines de recherche incluent les hormones thyroïdiennes et les perturbateurs endocriniens. En 2014, Barbara Demeneix a reçu la Médaille de l’Innovation du CNRS.
Ce livre décrit certains effets sanitaires liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens : altération du comportement et diminution des facultés intellectuelles. Il propose des recommandations pour protéger les enfants, la population la plus touchée.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la cinquième partie de la chronique. Elle porte notamment sur la durée de vie en bonne santé et la vulnérabilité de la période fœtale. La première partie se trouve ici : Comment empêcher les polluants d’endommager le cerveau des enfants, avec Barbara Demeneix (1/5)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- Concernant les troubles du spectre autistiques et les troubles de l’attention, au début du XXIe siècle, le financement des travaux consacrés aux causes génétiques a dépassé de 250 fois celui de la recherche sur les causes environnementales. Pourtant, le patrimoine génétique n’est pas en train d’évoluer et les modifications génétiques ne peuvent expliquer la forte augmentation de ces troubles. Plusieurs explications peuvent être proposées, incluant les suivantes :
- les causes génétiques sont plus simples à aborder, tant conceptuellement qu’expérimentalement. Par exemple, les patients peuvent être étudiés individuellement, à tout âge ;
- la plupart du temps, les études environnementales requièrent des approches longitudinales à grande échelle, pour pouvoir déterminer des associations entre les expositions intra-utérines et le développement futur des enfants ;
- des causes génétiques, en dehors de notre responsabilité, pourraient être plus facilement acceptables que des causes liées aux pollutions environnementales, qui relèvent de nos choix sociétaux.
- Dans tous les pays développés, l’écart se creuse entre la durée de la vie et la durée de la vie en bonne santé. En d’autres termes, le temps de vie en mauvaise santé augmente. Cette évolution suggère que :
- les maladies non infectieuses, telles que les affections neurodégénératives, les cancers, les maladies cardiovasculaires, font baisser la durée de vie en bonne santé. La plupart de ces maladies ont été associées à des facteurs environnementaux ;
- en parallèle, le temps de prise en charge des patients augmente, dans des environnements de plus en plus médicalisés, ce qui permet de maintenir (difficilement à présent) une augmentation de la longévité.
- La période fœtale constitue une phase de grande vulnérabilité pour l’être humain. Au sein de cette période, les trois premiers mois de la grossesse sont les plus critiques, en termes d’effets à long terme sur le comportement et le développement du système neuronal.
- Attendre d’obtenir une certitude scientifique pour agir pose de sérieuses questions éthiques. Des mesures de de gestion des expositions pourraient être engagées dès l’apparition des premiers éléments de préoccupations. Leur ampleur serait proportionnée et révisée en fonction du niveau de preuves disponible. Cette logique permettrait de ne pas initier des actions alors que l’impact sanitaire est déjà élevé.
- Par ailleurs, l’expérience montre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une parfaite compréhension scientifique pour engager des actions efficaces. L’histoire de la médecine présente de multiples exemples de ce type, notamment concernant les maladies infectieuses telles que le choléra et la fièvre puerpérale : une modification des comportements a permis de stopper la propagation de la maladie, avant de pouvoir comprendre les mécanismes de transmission sousjacents.
- L’automédication devrait être réduite autant que possible, en particulier pendant la grossesse et les premières années de l’enfance. Même des médicaments bien connus, considérés comme inoffensifs, peuvent avoir des effets récemment découverts. Par exemple, l’utilisation prolongée de paracétamol a été associée à des problèmes respiratoires infantiles, ainsi qu’à des troubles de la reproduction chez les petits garçons.
- Les recommandations indiquées dans ce livre concernent, en priorité, les femmes enceintes et les jeunes enfants. Néanmoins, elles seront sources de nombreux bénéfices pour tous. Elles incluent les bonnes pratiques suivantes :
- éviter les revêtements de sol en PVC et les moquettes, notamment dans les chambres d’enfants ;
- aérer régulièrement les pièces de vie de la maison, en particulier les chambres ;
- pendant la grossesse et les premiers mois de l’enfant, éviter d’acquérir de nouvelles sources de mobiliers ou de sièges remplis de mousse ;
- limiter la prise de médicaments et d’antalgiques sans ordonnance.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Une publication […] a mis au jour d’importantes données d’association entre l’exposition aux pesticides dans les zones proches des sites agricoles et l’incidence des troubles du spectre autistique. Les auteurs montrent que le risque le plus important est encouru pendant les deux premiers mois de la grossesse. Cette observation souligne la grande vulnérabilité qui caractérise les premiers stades du cerveau en développement in utero.
Malheureusement, les tests permettant de mesurer la neurotoxicité des pesticides sont aujourd’hui généralement réalisés sur des animaux adultes, et s’intéressent rarement aux étapes de plus grande vulnérabilité que représentent les stades embryonnaires.
De nombreuses personnes diront que le prix des produits biologiques est prohibitif – mais les économies réalisées en cuisinant plutôt qu’en achetant des plats préparés préemballés micro-ondables peuvent être considérables. On peut ajouter à cet avantage pécuniaire la réduction d’emballages en plastique, en métal et en papier associés aux aliments transformés. Cela ne veut pas dire qu’aucun emballage n’est nécessaire. La plupart des aliments doivent être protégés pendant le transport et sur les étalages ; un produit endommagé peut se dégrader, ce qui conduit au gaspillage alimentaire. Il est toutefois nécessaire de rechercher un meilleur équilibre entre protection et stratégie publicitaire, dans l’intérêt des consommateurs et de l’environnement. En deux mots, les consommateurs bénéficieraient immédiatement d’une exposition plus faible aux plastifiants inutiles, et (à plus long terme) d’un environnement moins pollué.
Récemment, l’administration californienne a annoncé qu’elle comptait modifier les normes d’inflammabilité en vigueur, qui datent des années 1970. L’idée : modifier le test d’inflammabilité « par flamme nue » (face auquel il est nécessaire d’utiliser d’importantes quantités de retardateurs de flamme bromés ou chlorés pour permettre au produit de ne pas prendre feu trop facilement), qui serait remplacé par un test « par combustion lente ». Cette nouvelle décision, à laquelle s’oppose l’industrie chimique (qui parle d’un risque pour la sécurité publique), s’appuie sur le fait que la plupart des incendies domestiques sont provoqués par des objets en combustion lente, tels que les cigarettes ou les câbles électriques. Des partisans de la nouvelle réglementation ont avancé l’argument selon lequel de plus en plus d’études établissaient un lien entre, d’une part, des troubles du neurodéveloppement et du comportement, et, d’autre part, la pollution environnementale. Énième exemple d’action tardive, menée des décennies après la commercialisation de produits chimiques testés à la va-vite, qui ont ainsi eu le temps de s’accumuler dans l’environnement.
Les normes d’inflammabilité couvrent le mobilier, mais également les sièges de voiture et les composants électriques. Une récente étude américaine portant sur un nouveau retardateur de flamme chloré a montré que les poussières des automobiles en contenaient dix fois plus que les poussières domestiques. Ce qui explique sans doute les recommandations du Royal College of Obstetricians and Gynecologists (RCOG), selon lesquelles les femmes enceintes et allaitantes devraient éviter d’acheter un nouveau véhicule, et se contenter d’en conduire un plus ancien, potentiellement débarrassé de la principale diffusion de retardateurs de flamme.
L’opinion dominante actuelle est que les immenses avantages de l’allaitement au sein surpassent les risques de transferts de substances chimiques à l’enfant. L’évolution a perfectionné le lait maternel humain, qui procure à l’enfant les plus grands avantages en termes de nutrition et de défenses immunitaires ; on observe des modifications (physiologiquement adéquates) de sa composition pendant le début de la période postnatale.
Un récent avis d’expert publié par l’Autorité européenne de la sécurité des aliments a montré que plus d’un tiers des pesticides évalués présentaient des activités perturbant les hormones thyroïdiennes.
Notre situation actuelle est complexe, non seulement par le nombre des produits, mais aussi par le besoin de les tester. Des milliers de produits chimiques sont fabriqués en grandes quantités, mais une vaste majorité de ces substances n’ont pas fait l’objet de tests permettant de détecter leurs effets toxiques ou perturbateurs sur le système endocrinien avant leur commercialisation. Cela est dû au fait que les actuelles mesures de régulation ne le préconisent pas.
Mon avis
Les « + » :
- Cet ouvrage se situe à la frontière entre un document scientifique et un livre grand public. Les arguments et les logiques défendues sont présentés avec rigueur ; les affirmations sont accompagnées de références précises ; l’ensemble suggère une grande érudition et une grande maîtrise technique.
- En parallèle, les lecteurs non-spécialistes peuvent y trouver de nombreux conseils pratiques. Appuyés par les résultats scientifiques présentés au préalable, ces conseils s’avèrent très utiles pour protéger sa famille des substances les plus préoccupantes.
- Cette assise robuste me semble fournir une grande puissance aux revendications de Barbara Demeneix, présentées en fin d’ouvrage.
- Certains accidents historiques, impliquant des polluants comme les PCB, le mercure ou le plomb, sont bien documentés et sont l’occasion d’analyser les réponses des pouvoirs publics, malheureusement souvent insuffisantes.
- Quelle richesse d’informations !
Les « – » :
- Le prix du livre, qui malheureusement se rapproche de celui des ouvrages scientifiques : plus de trente euros en version électronique… A mon sens, seules les personnes très intéressées seront enclines à dépenser autant pour un livre.
- Certains lecteurs pourront trouver quelques passages « techniques » un peu longs. Ces passages m’ont paru importants (ex : mécanismes de la thyroïde et des hormones associées) pour la bonne compréhension globale ; néanmoins, ils peuvent facilement être sautés, par exemple par un parent qui souhaiterait se focaliser sur les messages de prévention pour ses enfants.
Photo par jcooper971