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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Intoxication »
De Stéphane Horel, 304 pages, publié en 2015
Stéphane Horel est journaliste indépendante et documentariste. Ces travaux portent sur l’influence du lobbying et des conflits d’intérêts sur la prise de décision publique, en particulier dans les domaines de l’environnement et de la santé publique. Elle travaille notamment pour le journal Le Monde.
Ce livre décrit et analyse les luttes d’influences accompagnant l’élaboration, au niveau européen, de critères réglementaires définissant certaines substances préoccupantes : les perturbateurs endocriniens.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la quatrième partie de la chronique. Il porte notamment sur l’impact des faibles doses et du moment de l’exposition. La première partie de la chronique se trouve ici : Lobbies industriels : une intoxication qui menace la santé des enfants, selon Stéphane Horel (1/5)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- La toxicologie, l’étude de la toxicité des substances, s’appuie sur le principe de Paracelse : « Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison ». Ce principe suppose qu’il existe un seuil en-dessous duquel les effets d’une substance sont négligeables. Ce seuil sert alors de référence pour établir des réglementations : concentration maximale dans les aliments, dans les jouets, dans les produits cosmétiques…
- Les travaux dirigés par Andreas Kortenkamp portent notamment sur les mélanges de substances. Mieux comprendre ces mélanges est essentiel, car plusieurs centaines de perturbateurs endocriniens sont détectés dans le corps des hommes modernes.
- Selon les résultats de ces travaux, un mélange de substances peut produire des effets toxiques, alors que chaque substance se trouve à une concentration inférieure à son seuil d’innocuité individuel. On parle d’« effets cocktail ».
- Quand une substance peut perturber le système hormonal d’une femme enceinte, ce n’est pas forcément la dose qui fait le poison, c’est le moment de l’exposition.
- Pour obtenir une autorisation de commercialisation, la législation européenne ne requiert pas de tester les pesticides pour leurs effets sur le système hormonal. Andreas Kortenkamp a testé une trentaine de pesticides, parmi ceux couramment utilisées sur les fruits et les légumes : la plupart perturbe l’action des hormones sexuelles masculines.
- En sciences, généralement, la progression de la connaissance se fait par étapes progressives, par essais et erreurs. Cette progression répond à un certain nombre de standards, afin d’assurer la rigueur des travaux effectués. Ces standards incluent la nécessité de discuter des résultats obtenus, au regard des résultats publiés par d’autres chercheurs, concordants ou opposés, et en explicitant les incertitudes associées.
- La complexité du monde vivant est très grande : en règle générale, les résultats obtenus sont accompagnées de fortes incertitudes. Les lobbies industriels interprètent ces incertitudes, explicitées et discutées par les chercheurs eux-même, comme des anomalies, ce qui leur permet de créer un doute significatif auprès des décideurs : aucune action ne devrait être engagée sans que ce doute soit levé. Selon eux, tant qu’une incertitude subsiste sur la dangerosité d’un produit, ce produit ne devrait pas être réglementé. En d’autres termes, ces lobbys utilisent les principes de la science pour l’empêcher de devenir opérationnelle.
- Dans une lutte d’influence, le choix du vocabulaire utilisé constitue un véritable enjeu. Par exemple, les lobbys industriels préfèrent désigner les perturbateurs endocriniens par le terme « modulateurs endocriniens ».
- En octobre 2012, à la surprise générale, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, plus connu sous son acronyme anglais, EFSA, pour European Food Safety Authority) annonce qu’elle débute, elle aussi, une élaboration de critères d’identification des perturbateurs endocriniens, en s’appuyant sur ses propres experts. Pour faire un parallèle avec le gouvernement français, c’est comme si le ministère en charge de la santé annonçait, sans prévenir, entamer des travaux dont le contenu correspond à celui de travaux déjà engagés par le Ministère de l’environnement, après que ce dernier ait pourtant été désigné comme pilote de la thématique, à peine deux ans auparavant.
- Difficilement compréhensible, cette initiative a été très critiquée par les ONG impliquées, car l’EFSA est suspectée de s’appuyer sur des experts en situation de conflits d’intérêts.
- Ces suspicions sont partagées par certains députés européens. Par exemple, en mai 2012, la commission de contrôle budgétaire du Parlement a suspendu pour six mois l’approbation des comptes de l’EFSA, en raison de la présence de conflits d’intérêts.
- La Cour des comptes européenne a également publié un rapport sur la gestion des conflits d’intérêts dans plusieurs agences européennes, dont l’EFSA. Ce rapport mentionne « La Cour a estimé […] qu’aucune des agences sélectionnées ne gérait les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée. »
- Pour initier ses travaux, l’EFSA annonce qu’un bilan des connaissances scientifiques disponibles sera réalisé. Un tel bilan a pourtant déjà été réalisé par l’équipe d’Andreas Kortenkamp, à la demande de la DG Environnement.
- Pour réagir à l’implication de l’EFSA, la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen décide de s’autosaisir sur la question de des perturbateurs endocriniens.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Les positions de l’EFSA sur les perturbateurs endocriniens font l’objet de vives critiques […]. Son travail sur le bisphénol A, en particulier, vient d’être contredit de manière frontale par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail en France (ANSES). Alors que l’EFSA affirme depuis 2007 que le bisphénol A ne présente aucun risque pour la santé humaine, l’ANSES a, elle, conclu que ses effets sont avérés sur l’animal et suspectés sur l’homme. Elle s’interroge donc ouvertement sur la pertinence des doses d’exposition autorisées en Europe… lesquelles sont fixées par l’EFSA.
La stratégie du chiffre épouvantail est une stratégie classique, voire éculée. Parce qu’elle est inéluctable dans tout lobbying, on devrait la voit surgir avec la même perplexité dubitative que Tintin devant Philippulus le Prophète qui annonce la fin du monde dans L’Étoile mystérieuse. Exemple connu : les discussions en amont du règlement REACH sur les produits chimiques. En 2002, le cabinet Arthur D. Little avait réalisé une étude d’impact pour la fédération allemande de l’industrie. Il annonçait une perte de 2,35 millions d’emplois et de 6,4 % du PIB en Allemagne dans son scénario « Ouragan » (seulement 900 000 dans le scénario « Tempête »). Idem avec l’Union des industries chimiques (UIC) françaises et le cabinet Mercer Management qui prédisaient de 29 à 54 milliards d’euros de coût pour l’industrie française en dix ans. Rien de tout cela n’est arrivé. Rien de tout cela n’arrive jamais : c’est ce qu’explique l’ONG ChemSec dans Cry Wolf (Crier au loup), un rapport qui égrène une demi-douzaine d’études de cas similaires. En fait, « contrairement à une croyance commune chez les décideurs, les études scientifiques montrent que les mesures de politique environnementale n’occasionnent que des coûts marginaux pour l’industrie », concluait même une équipe de chercheurs en 2007. Alors oui, la stratégie du chiffre épouvantail est une stratégie éculée, mais elle est diablement efficace.
Il est beaucoup plus facile de mettre des chiffres sur les coûts d’une réglementation que sur le bénéfice que cela représente pour la société de ne pas avoir de problèmes de fertilité pendant quarante ou cinquante ans.
Axel Singhofen, le conseiller des Verts au Parlement européen [s’indigne :] « Qui oserait suggérer sérieusement que l’identification d’un cancérogène dépende des impacts que cela pourrait avoir sur l’industrie ? »
David Gee, l’ancien conseiller de l’Agence européenne de l’environnement [affirme que] « le principe de précaution stimule l’innovation plutôt qu’il ne l’inhibe ». « Une solide base empirique montre que des réglementations environnementales et des écotaxes bien conçues stimulent l’innovation. Surtout parce qu’elles suscitent des alternatives plus intelligentes. »
On file sans scrupule la métaphore du retour à l’âge de pierre (ou à la bougie). L’écologie, cet obstacle au progrès ! Mais l’augmentation des cancers et de l’infertilité, est-ce cela le progrès ? Ridiculiser les inquiétudes, moquer l’angoisse, réduire la contestation à de l’émotion, faire passer un questionnement éthique pour de l’obscurantisme : sous prétexte de second degré, des renversements qui contribuent à neutraliser toute réflexion critique. On est bien loin du débat « constructif » que les scientifiques auteurs du rapport de l’OMS-PNUE appellent de leurs vœux.
La dernière partie de cette chronique se trouve ici : Lobbies industriels : une intoxication qui menace la santé des enfants, selon Stéphane Horel (5/5)
Cette chronique met en avant l’importance de protéger les enfants des substances préoccupantes, car les effets potentiels pourraient être graves et pérennes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.
Photo par Città di Parma