Lobbies industriels : une intoxication qui menace la santé des enfants, selon Stéphane Horel (2/5)

Les bouteilles, fabriquées à partir de PET (polyéthylène téréphtalate, qui présente l’avantage d’être quasi inaltérable, résistant, léger et flexible), contiennent ainsi des perturbateurs endocriniens que l’on soupçonne de migrer vers le contenu liquide. - Dr Patrice Halimi

L’augmentation de l’obésité coïncide avec l’augmentation de l’usage et de la distribution de substances chimiques de synthèse susceptibles de favoriser l’obésité : ces perturbateurs endocriniens pourraient bien jouer un rôle dans l’épidémie actuelle d’obésité. - The Endocrine Society

Chronique du livre « Intoxication »

Intoxication Stephane Horel enfants

De Stéphane Horel, 304 pages, publié en 2015

 

Stéphane Horel est journaliste indépendante et documentariste. Ces travaux portent sur l’influence du lobbying et des conflits d’intérêts sur la prise de décision publique, en particulier dans les domaines de l’environnement et de la santé publique. Elle travaille notamment pour le journal Le Monde.

Ce livre décrit et analyse les luttes d’influences accompagnant l’élaboration, au niveau européen, de critères réglementaires définissant certaines substances préoccupantes : les perturbateurs endocriniens.

Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la deuxième partie de la chronique. Il porte sur les critères de définition des perturbateurs endocriniens et sur les principes de base du lobbying. La première partie de la chronique se trouve ici : Lobbies industriels : une intoxication qui menace la santé des enfants, selon Stéphane Horel (1/5)

 

Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • Les substances considérées comme dangereuses par l’Union européenne sont les suivantes : cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, PBT (acronyme de Persistants, Bioaccumulables et Toxiques). Dans le cadre de la révision de la réglementation sur les pesticides, entamée en 2006, la Commission européenne décide de compléter cette liste par les perturbateurs endocriniens, mais le texte réglementaire ne comprend pas de critères précis pour désigner ce qu’il considère être un perturbateur endocrinien.
  • Après trois années d’intenses négociations, le « règlement pesticides » est adopté, sur la base de critères de danger. Néanmoins, le texte ne fait que mentionner que la Commission européenne devra présenter une définition scientifique des perturbateurs endocriniens avant fin 2013. Quatre ans pour une définition, cela peut paraître beaucoup. Néanmoins, au moment de la publication de ce livre, fin 2015, cette définition n’était toujours pas adoptée.
  • Ce délai s’explique par les enjeux financiers associés. Comme l’ensemble des règlements européens doit être cohérent, la définition des perturbateurs européens établie pour le « règlement pesticides » sera extrapolable à l’ensemble des règlements portant sur des produits chimiques : cosmétiques, médicaments, additifs alimentaires, émissions industrielles, détergents, jouets… Selon les critères définition possibles, des centaines ou des milliers de produits chimiques pourraient ne plus être autorisés. Le chiffre d’affaires menacé pourrait s’élever jusqu’à plusieurs milliards d’euros.
  • En 2009, la Direction générale (DG) de l’environnement est chargée de l’élaboration de la définition réglementaire des perturbateurs endocriniens. En collaboration avec les autres DG concernées, c’est elle qui pilote l’ensemble des opérations.
  • Pour influencer le contenu d’une réglementation, les actions de lobbying les plus efficaces se situent le plus en amont possible, au sein des « groupes d’experts », désignés par les DG pour élaborer les textes proposés comme futures réglementations.
  • Dès 2009, un groupe de travail de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), composé d’experts employés par diverses industries (BASF, Bayer, Syngenta, Total Petrochemicals, AstraZeneca…), propose un « critère de puissance », basé sur la concentration ou à la quantité nécessaire pour produire un effet sanitaire, sans retenir l’ampleur de l’effet considéré. Ce critère est proposé dans l’objectif de hiérarchiser les perturbateurs endocriniens : les « plus préoccupants » seraient réglementés, les « moins préoccupants » seraient autorisés.
  • Le Danemark se déclare opposé au critère de puissance. Il propose la mise en œuvre d’une classification du même type que celle des cancérogènes : une substance n’est pas cancérogène à partir d’une certaine dose, elle est cancérogène ou elle ne l’est pas. Seul varie le degré de certitude scientifique ; d’où l’existence de différentes classes.
  • Les techniques de lobbying classiques incluent les pratiques suivantes :
    • construire une relation de proximité avec les fonctionnaires en charge de la rédaction de la réglementation considérée, les décideurs et les experts ;
    • disqualifier les travaux scientifiques dont les conclusions ne contribuent pas à satisfaire les besoin défendus ;
    • quand les travaux sont trop robustes pour tenter de les disqualifier, mettre en avant les incertitudes associées, dans l’objectif de créer du doute. Ce doute permet de demander la réalisation d’études complémentaires, et donc de gagner du temps ;
    • financer un petit nombre d’études, afin d’obtenir des résultats en faveur des intérêts défendus. Même s’il existe un consensus en défaveur de ses intérêts, ces résultats permettront de construire l’image d’une controverse, qui permettra à nouveau de gagner du temps, puisque « les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux ». Cette image superficielle est souvent relayée par la plupart des médias, dont la maîtrise technique est souvent insuffisante et qui souhaite, parfois avec les meilleures intentions, donner la parole à tous les acteurs de ce qu’ils pensent être une controverse ;
    • lorsqu’un consensus scientifique est si robuste qu’il ne peut être raisonnablement contesté, demander la réalisation d’une étude d’impact économique et sociale de la réglementation envisagée : perte de % de PIB, pertes d’emplois… Réaliser en parallèle sa propre étude d’impact, puis en extraire des chiffres anxiogènes pour les soumettre au public et aux décideurs. Et même si ces chiffres « épouvantails » ne permettent pas d’arrêter la démarche réglementaire, la réalisation de l’étude d’impact aura permis d’obtenir encore plusieurs mois/années de délai. Ce délai est d’autant plus grand que les secteurs industriels concernés sont nombreux et que la zone géographique d’application étendue.

 

Intoxication Stephane Horel enfants 2

 

Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »

Pour être efficace, le lobbying doit s’exercer le plus en amont possible. Bien qu’il soit très souvent réduit à un art du copier-coller d’amendements rédigés par l’industrie, le lobbying au niveau des députés, c’est presque le symptôme d’une influence ratée. Martin Pigeon dégaine un graphique que BASF, la multinationale allemande numéro un mondial de la chimie, a laissé traîner par mégarde sur le Web. Une courbe illustre l’« opportunité de l’influence sur les processus législatifs européens ». Le document s’intitule « Le plus tôt sera le mieux ». On ne peut être plus limpide. Une étincelle désigne la « phase précoce » comme le moment le plus propice à l’intervention. Car c’est à ce stade que les grandes orientations sont définies. Et à la Commission, la phase précoce correspond aux « groupes d’experts ».

« Les entreprises ne s’y trompent pas. Arriver à placer leurs experts au sein des groupes d’experts de la Commission est absolument stratégique pour elles. On constate d’ailleurs que, sur des secteurs sensibles – typiquement les marchés financiers, mais ça vaut aussi pour d’autres –, les groupes d’experts de la Commission sont complètement dominés par les professionnels du secteur. »

Pourquoi diable faire intervenir des personnes de l’extérieur, a fortiori du monde des affaires, pour contribuer à l’élaboration des lois ? Organiser des auditions pour les entendre est une chose. Leur demander de participer activement en est une autre. Et puis à quoi bon embaucher un personnel surdiplômé si ses compétences ne sont pas exploitées ? « La Commission et les institutions de l’Union européenne en général souffrent d’un problème peu connu, mais très important : un vrai déficit d’expertise interne et de moyens », constate Martin Pigeon. Parce que l’expertise manque à l’intérieur, elle est donc recherchée hors les murs. Une externalisation de la compétence que la Commission considère légitime, et même revendique. Avec un sens un peu saugrenu de la convivialité, elle appelle cela le « dialogue avec les parties prenantes » »

Dépourvus d’expertise interne, les pouvoirs publics dépendent du savoir spécifique détenu par un petit cercle de « sachants ». Parmi eux figurent bien sûr les industriels, alors invités à fournir des informations qu’ils sélectionnent d’autant plus soigneusement qu’elles servent à concevoir des réglementations auxquelles ils devront ensuite se plier.

Le lobbying est un secteur qui ne connaît pas la crise. On estime que 3 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour écrire, amender, diluer, détourner, retarder ou supprimer la loi à Bruxelles [En termes d’effectif, il s’agit d’] à peu près un lobbyiste, tous intérêts confondus, pour un fonctionnaire.

D’après les estimations de Corporate Europe Observatory (CEO), les deux tiers des organisations de lobbying implantées à Bruxelles représentent des intérêts commerciaux. « On est dans un rapport de forces où les intérêts disons publics sont en minorité et donc perdent, en général ».

Le lobbying en soi est peut-être opaque, mais il n’est pas absolument mystérieux. Si la discrétion est de règle et conditionne le succès des manœuvres, la plupart des techniques d’influence sont connues, documentées et même enseignées. Pour peu qu’on prenne le temps de se plonger dans un sujet donné, elles sont donc souvent repérables à l’œil nu : d’une bataille à l’autre, les lobbies excellent dans le recyclage des stratagèmes.

 

La troisième partie de cette chronique se trouve ici : Lobbies industriels : une intoxication qui menace la santé des enfants, selon Stéphane Horel (3/5)

 

Cette chronique met en avant l’importance de protéger les enfants des substances préoccupantes, car les effets potentiels pourraient être graves et pérennes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.

Photo par Molly

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