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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Antifragile – Les bienfaits du désordre »
de Nassim Nicholas Taleb, 660 pages, publié en 2013
Nassim Nicholas Taleb est statisticien et essayiste. Ses travaux portent notamment sur la gestion des risques liés aux événements rares.
Ce livre porte sur comment utiliser le hasard et le désordre comme sources de bienfaits, c’est-à-dire comment devenir « anti-fragile ». Les principes identifiés pourraient s’appliquer au domaine de la santé des enfants.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est le premier article de la chronique. Il porte notamment sur les avantages de la temporisation et sur l’excès d’informations. Le premier article se trouve ici : Comment rendre « Antifragile » la santé de nos enfants, avec Nassim Nicholas Taleb (1/5)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- La temporisation est une défense naturelle, qui consiste à laisser les choses se régler d’elles-mêmes en exerçant leur antifragilité. Cette temporisation peut se baser sur les signaux envoyés par le corps, les ressentis. Dans certaines situations, elle peut être l’option la plus pertinente.
- La temporisation laisse aux mécanismes naturels la possibilité de faire leur travail de rééquilibre. Elle permet aussi de se protéger des erreurs médicales et des effets secondaires liés aux traitements médicamenteux : la nature est moins sujette aux erreurs que les scientifiques et les médecins.
- Certains médecins ressentent le besoin de justifier leur salaire et un minimum de conscience professionnelle. Ce besoin ne peut être satisfait s’ils ne « font rien » et favorise donc l’excès d’interventions.
- Le style de vie moderne comprend une exposition à une grande masse d’informations. Dans cette masse, il est utile de savoir distinguer les informations dont le contenu est vraiment important, constituant un vrai signal au sein du bruit de fond, comme une voix au sein d’un grésillement de téléphone. Pour éviter l’excès d’intervention, il faut ignorer le bruit de fond et prêter attention aux signaux.
- Plus on observe fréquemment des données, plus il est difficile de distinguer un signal au sein du bruit. Dans un milieu naturel, une pression équivaut à une information. De trop nombreuses informations constitueraient de trop nombreuses pressions, au-delà du seuil d’antifragilité.
- Ainsi mieux vaut :
- rationner notre exposition aux informations ;
- prêter attention aux nouveautés significatives, aux très grands changements de données ou de conditions, uniquement, et jamais aux moindres.
- Cette logique peut s’appliquer dans le traitement de la production académique. Le travail académique est aujourd’hui exercé de manière très similaire au journalisme, parce qu’il a souvent vocation à attirer l’attention. La majeure partie des centaines de milliers de publications existantes n’est que du bruit de fond, quelque que soit le niveau de publicité associé à leur parution. Seules quelques rares productions sont vraiment originales ; elles constituent le signal, mais les identifier sur le moment est souvent difficile.
- Cette difficulté est augmentée par la difficulté d’obtenir des subventions publiques pour reproduire les résultats des études existantes, et éventuellement les contester. Et même si des subventions étaient disponibles, il serait difficile de trouver des scientifiques motivés par des travaux ne présentant pas de nouveauté, et donc peu valorisés.
- Le temps est souvent un bon révélateur. Dans le domaine du non-périssable, la plupart du temps, l’ancien survit au nouveau en proportion de son âge : les ouvrages qui sont lus depuis dix ans le seront probablement encore dans dix ans ; les ouvrages qui sont lus depuis deux mille ans ne sont pas près de disparaître…
- Le temps peut révéler les fragilités et les antifragilités des preuves scientifiques. Par exemple, par le passé, fumer était considéré comme bénéfique pour la santé. [Autre illustration proposée par Guillaume : certaines substances étaient utilisées et rejetées dans l’environnement en grandes quantités, alors qu’elles sont aujourd’hui interdites en raison de leur toxicité : DDT, Atrazine, plomb dans l’essence et les peintures, amiante, perchloroéthylène dans les pressings, Bisphénol A…]. Ce qui n’est pas naturel doit apporter la preuve qu’il est bénéfique ; et dans un domaine complexe, seul le temps constitue une preuve robuste.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
J’ai été soudain frappé de constater que ces réactions hormétiques antifragiles n’étaient qu’un aspect de la redondance, et toutes les idées de la Nature ont convergé dans mon esprit. Il ne s’agit que de redondance. La Nature aime avoir un surplus d’assurance.
La redondance est ambiguë parce qu’elle ressemble au gaspillage s’il ne se produit rien d’exceptionnel. À ceci près qu’il se produit quelque chose d’exceptionnel, en général.
On constate que la même logique, exactement la même, s’applique à la surcompensation : ce n’est qu’un aspect de la redondance. Une tête de plus pour l’Hydre, c’est la même chose qu’un second rein – apparemment superflu – pour les êtres humains, et qu’une capacité de plus à résister à un stress supplémentaire. Si vous avalez, mettons quinze milligrammes d’une substance vénéneuse, votre corps peut devenir plus fort et se préparer à recevoir vingt milligrammes, voire davantage, avec cet effet secondaire qu’il deviendra plus fort d’une manière générale. Ces cinq milligrammes de poison en plus auxquels vous pouvez résister sont pareils à des stocks supplémentaires de ressources vitales ou nécessaires, tel qu’un surplus de liquidités à la banque ou davantage de nourriture à la cave. […] Un système qui surcompense fonctionne nécessairement sur le mode du dépassement, puisqu’il crée des capacités et des forces supplémentaires en prévision d’une catastrophe et en réaction à une information sur la possibilité d’un danger. Et, bien entendu, ces capacités et ces forces supplémentaires peuvent devenir utiles en tant que telles, si l’on sait en tirer parti. Nous avons vu que la redondance est opportuniste, de sorte qu’on peut tirer profit de cette force supplémentaire, abstraction faite du danger potentiel.
Des règles de décision et des heuristiques d’une simplicité enfantine se font jour dans ce chapitre. Via negativa, bien sûr (par élimination de ce qui n’est pas naturel : ne recourir aux techniques médicales que lorsque les bénéfices que l’on peut en retirer pour sa santé sont très, très élevés (sauver sa vie, par exemple) et excèdent manifestement les préjudices potentiels, comme dans le cas d’une intervention chirurgicale incontournable ou d’un médicament permettant de sauver la vie (pénicilline).
J’étends également ce problème dans le champ épistémologique, et j’établis des règles pour ce que l’on devrait considérer comme des preuves : comme dans la question de savoir si un verre comme doit être considéré à moitié vide ou à moitié plein, il y a des situations où l’on se concentre sur l’absence de preuves, et d’autres où l’on se concentre sur les preuves. On peut être confirmatoire dans certains cas, pas dans d’autres – cela dépend des risques encourus. Prenez le fait de fumer qui, à une époque, était considéré comme source d’avantages mineurs en termes de plaisir et même de santé (on croyait réellement que c’était une bonne chose). Il a fallu des décennies pour que les préjudices liés à cette pratique se fassent jour. Pourtant, si quelqu’un l’avait remise en cause, il se serait heurté à cette réponse toute faite, académisée et naïve, d’expert bidon : « Avez-vous la preuve qu’elle soit nocive ? » (Dans le même genre, il y a aussi « A-t-on la preuve que polluer est nocif ? »). Comme d’habitude, la solution est simple – c’est un prolongement de la via negativa et de la règle « Ne soyez pas une dupe » de Gros Tony : ce qui n’est pas naturel doit apporter la preuve qu’il est bénéfique – pas ce qui est naturel ; et ce, en vertu du principe statistique exposé précédemment, selon lequel la nature doit être considérée comme bien moins dupe que les êtres humains. Dans un domaine complexe, seul le temps – et un temps long – constitue une preuve.
Aux urgences, le médecin et le personnel soignant insistèrent pour que je me « glace » le nez, c’est-à-dire que j’applique dessus une compresse glacée. Entre deux élancements douloureux, il me vint subitement à l’esprit que le gonflement que la Nature m’infligeait n’était certainement pas une cause directe du traumatisme que j’avais subi, mais la façon dont mon corps réagissait à ce dernier. Il me parut insultant vis-à-vis de la Nature d’annuler ses réactions programmées à moins d’avoir une bonne raison de le faire, avec essais empiriques en bonne et due forme à l’appui pour montrer que nous, humains, sommes capables de faire mieux ; de fait, c’est à nous qu’incombe la responsabilité d’apporter des preuves. Je demandai donc au médecin des urgences s’il avait des statistiques prouvant qu’il y avait un quelconque avantage à appliquer de la glace sur son nez, ou si cette idée était la manifestation d’une forme d’interventionnisme naïve. « Vous avez un nez de la taille de Cleveland, et vous vous intéressez à des… chiffres ? » me répondit-il, et je me rappelle avoir déduit de ses commentaires nébuleux qu’il n’avait pas de réponse à me donner. De fait, il n’en avait pas, parce que dès que j’ai pu avoir accès à un ordinateur, j’ai été en mesure de confirmer qu’il n’existe pas de preuve empirique irréfutable.
Les chercheurs Paul Meehl et Robin Dawes sont à l’origine d’un courant qui consiste à définir la tension entre connaissance « clinique » et actuarielle (c’est-à-dire statistique) et à examiner combien de choses considérées comme vraies par les professionnels et les cliniciens ne le sont pas, et ne sont pas corroborées par des preuves empiriques. Le problème, bien sûr, c’est que ces chercheurs ne savaient pas exactement où faire reposer la charge des preuves (la différence entre l’empirisme naïf ou pseudo-empirisme et l’empirisme rigoureux) – c’est la responsabilité des médecins de nous montrer pourquoi il est bon de faire baisser la fièvre, pourquoi il est sain de prendre un petit déjeuner avant de se lancer dans une activité (il n’existe pas de preuve à ce sujet), ou pourquoi saigner les patients est la meilleure solution (les médecins ne le font plus). Je comprends qu’ils n’en ont pas la moindre idée quand il leur arrive de répliquer : « Je suis médecin » ou de demander : « Vous êtes médecin ? » pour se défendre.
La suite de cette chronique se trouve ici : Comment rendre nos enfants « Antifragiles » avec Nassim Nicholas Taleb (4/5)
Cette chronique met en avant l’importance d’entourer les enfants d’un environnement naturel et de les protéger des substances préoccupantes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.
Photo par Ecole polytechnique
2 Responses
La notion d’Antifragilité (complètement nouvelle pour moi !) porte en elle beaucoup d’espoir, puisque nos corps (et le vivant en général) sont antifragiles par essence, selon Taleb. Cela voudrait dire que, quelque soit le niveau de santé où notre enfant se trouve, son corps porte en lui la capacité d’élever ce niveau, de devenir plus fort, d’accéder à un autre stade d’épanouissement physique (une des bases de l’épanouissement mental). En fait, la compréhension de l’antifragilité renforce notre capacité de parents à agir sur les choses, à faire évoluer des situations parfois bien délicates…Ça m’a redonné de l’énergie tout ça !
Oui, cela me semble, à moi aussi, nous donner plus de pouvoir pour influencer les situations. Tant qu’il y a du vivant, il y a de l’espoir 😉