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Comment éviter qu’on « fabrique » des maladies à nos enfants (2/2)

Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. - serment d’Hippocrate (réactualisé, 1996)

De fait, la pharmacologie influence l’interventionnisme des médecins. […] si le patient est presque sain, c’est la Nature qui devrait tenir lieu de médecin. – Nassim Nicholas Taleb

Chronique du livre « La fabrique de malades »

Sauveur Boukris fabrique malade

Du Dr Sauveur Boukris, 240 pages, publié en 2013

 

Sauveur Boukris, médecin généraliste, enseigne à la faculté Bichat et Lariboisière. Il préside le collectif « Médecins, Malades, même combat ».

Ce livre porte sur les stratégies utilisées par l’industrie pharmaceutique pour accroître son chiffre d’affaires : faire augmenter le nombre de personnes considérées comme malades, pour faire augmenter le nombre de traitements prescrits. L’auteur fournit aussi des conseils pour se protéger des pratiques abusives, qui peuvent au final détériorer la santé.

Ce livre fait l’objet d’une chronique en deux parties. Cet article est la deuxième partie de la chronique. La première partie se trouve ici : Comment éviter qu’on « fabrique » des maladies à nos enfants (1/2)

 

Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • De 1950 à 1980, les dépenses courantes de soins et de produits médicaux des ménages ont connu une augmentation de 15 % par an en moyenne, soit un doublement tous les cinq ans. Puis, les pouvoirs publics ont visé une meilleure maîtrise du budget de la Sécurité Sociale : entre 1980 et 1990, ce taux est passé à 10 % ; aujourd’hui, il est d’environ 4 % par an. Mais ces 4 % de hausse annuelle s’appliquent à une somme beaucoup plus importante qu’en 1950, du fait des multiples augmentations passées.
  • Sept grandes compagnies pharmaceutiques contrôlent la majorité des ventes de médicaments : Pfizer, puis GlaxoSmithKline, Novartis, Sanofi-Aventis, Astra Zeneca, Johnson & Johnson et Merck.
  • Considérées dans leur ensemble, les entreprises pharmaceutiques financent 98 % de la formation continue des médecins, notamment par l’intermédiaire des congrès qu’elles organisent.
  • Ce sont également elles qui financent les pages de publicité dans les revues médicales. Cette position de financeur leur permet d’influencer le contenu publié dans ces revues.
  • Cette omniprésence de l’industrie pharmaceutique génère une autre préoccupation, cette fois-ci indirecte : il est aujourd’hui quasi-impossible de trouver des experts vraiment indépendants, n’ayant pas de relations commerciales ou financières avec les firmes.
  • En France, le conflit d’intérêts n’existe pas dans le Code pénal ; il n’y a pas de véritable stratégie de prévention. Selon Martin Hirsch, « C’est le talon d’Achille de la conception française du conflit d’intérêts ; rien pour le prévenir, rien même pour le caractériser, tant qu’il n’est pas transformé [en délit] […] C’est un peu comme si le fait d’avoir de l’alcool dans le sang au volant ne devenait un délit que si un accident survenait. […] Dans le domaine sanitaire, et notamment dans le secteur du médicament, le conflit d’intérêts est, si l’on peut dire, monnaie courante. »
  • Un facteur de risque ne doit pas être géré comme une maladie. Il est avant tout une invitation à corriger son hygiène de vie ; il n’a pas besoin d’être systématiquement médicamenté.
  • Concernant les troubles de l’attention et de l’hyperactivité, dans les années 1970, aux États- Unis, le nombre d’enfants diagnostiqués était estimé entre 250 000 et 500 000. Aujourd’hui, ils sont près de 6 millions. Cette multiplication par dix pose question. Une explication possible est la simple évolution des critères définissant la maladie : ces critères sont devenus beaucoup plus larges. En conséquence, la prescription d’antipsychotiques pour les enfants a fortement augmenté, ce qui est préoccupant.
  • Pour se protéger des risques liés à la surmédicalisation, l’auteur propose plusieurs recommandations :
    • garder son sens critique et exercer son bon sens, notamment au regard des stratégies et des techniques de communication présentées dans ce livre. En particulier, les incitations à la santé parfaite pourront être systématiquement questionnées ;
    • choisir un médecin qui pratique une médecine personnalisée, adaptée aux spécificités du patients. Par exemple, mieux vaut éviter les médecins qui utilisent des ordonnances préremplies ;
    • ne prendre de traitement médicamenteux que si les bénéfices sont élevés, et surpassent manifestement les préjudices potentiels. Pour les maux bénins, et souvent pour les troubles chroniques, mieux vaut investir dans une amélioration de son style de vie et laisser le corps s’auto-réguler. Si pertinent, le patient pourra prendre du recul et accepter un part raisonnable d’imperfection.

 

Fabrique malade enfants sante 2

 

Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »

Les firmes ont tendance à encourager un déclenchement automatique de la prescription : dès qu’un chiffre élevé de cholestérol est observé sur la feuille d’analyses, il faudrait administrer systématiquement une statine, en faisant l’impasse sur le régime sans graisse, la perte de poids et les conseils d’hygiène de vie. En réalité, il n’y a pas d’urgence à traiter une hypercholestérolémie. On ne traite pas un paramètre biologique. On traite un patient présentant des facteurs de risques associés.

Mais les laboratoires ont parfaitement réussi leurs opérations de communication auprès du grand public. Résultat : nous subissons aussi la pression de patients bien portants qui souhaitent sortir de la consultation avec la prescription d’une statine pour « leur cholestérol ». Un chiffre imprimé en gras sur la feuille d’examens biologiques impose une prescription. « Docteur, vous ne me donnez rien pour le cholestérol ? J’ai peur pour mes artères. » Il n’est pas rare de voir des hommes jeunes, sans obésité, sans hypertension, sans diabète, réclamer leur statine qui, selon eux, va les protéger du risque cardio-vasculaire. La Sécurité sociale estime, à juste titre, que 30 à 40 % des prescriptions de statines ne sont pas justifiées et n’entrent pas dans le cadre des indications.

Voilà plus de quinze ans que la surconsommation de psychotropes est dénoncée par les rapports officiels et fait la « une » des médias. L’état des lieux est toujours le même : trop de prescriptions, par ailleurs fort coûteuses pour l’Assurance-maladie qui en rembourse pour plus de 1 milliard d’euros par an. Déjà en 1996, dans un rapport publié à l’issue d’une « mission générale concernant la prescription et l’utilisation des médicaments psychotropes en France », le psychiatre Édouard Zarifian écrit : « Les chiffres montrent que le psychotrope a cessé d’être un médicament pour devenir un produit à traiter les malheurs de la société. » S’inquiétant de la prescription massive de médicaments psychotropes en France et alertant l’opinion sur cette progression des ventes, il ajoute : « La santé est passée de l’état normal d’un individu que la maladie pouvait altérer ou handicaper à un colossal marché financier dont l’exploitation semble aujourd’hui parmi les plus prometteurs et les plus lucratifs des secteurs industriels. » Nous sommes en 1996 !

Le journal a analysé les registres de l’État du Minnesota, le seul qui exige un rapport public de tous les paiements pour marketing faits à des médecins. De 2000 à 2005, les versements des fabricants de médicaments à des psychiatres ont été multipliés par 6 ; dans le même temps, les prescriptions d’antipsychotiques à des enfants dans le programme Medicaid du Minnesota a augmenté de 9 fois… Ceux qui ont reçu le plus d’argent des firmes pharmaceutiques sont ceux qui ont le plus prescrit ces médicaments.

Jusqu’en 1937, on utilise les oestrogènes pour traiter pratiquement toutes les maladies possibles chez la femme (eczéma, diabète, épilepsie, schizophrénie, etc.). Les résultats se font attendre et ce n’est que vers la fin des années 1930 que le laboratoire Organon choisit en définitive de s’orienter vers la ménopause et ses troubles. C’est ainsi que, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les signes de la ménopause qui ont engendré un médicament, mais c’est la découverte d’une substance qui est à l’origine d’une maladie. On ne cherche pas un médicament face à une maladie. On dispose d’un médicament et on cherche la maladie qui peut s’y rapporter.

Confronté à ces risques de sur-diagnostic et de sur-traitement, le médecin de famille est pris entre deux feux : d’une part l’intérêt personnel du patient, d’autre part la culture de la profession et les dogmes du moment. Ceux qui font du dépistage systématique le font en général pour éviter d’éventuels soucis judiciaires ; la crainte d’être poursuivi et condamné pour ne pas avoir pratiqué un test est plus forte que le souci de ne pas prescrire un test inutile.

Comme le rappelle le doyen de la faculté Pierre-et-Marie-Curie, le professeur Serge Uzan, dans un article du Monde (10 mars 2007), « Les études médicales ne développent pas l’intelligence critique. La tyrannie des programmes, les nécessités d’une formation à finalité opérationnelle et le volume insensé des connaissances à acquérir dans un laps de temps finalement court, malgré la longue durée des études médicales, contraignent les enseignants à cibler l’apprentissage et la gestion de connaissances et de compétences plutôt que la réflexion critique sur ces notions… La critique de l’information médicale, socle de l’amélioration des pratiques, est nécessaire aux médecins pour ne pas se laisser submerger par les messages issus du marketing. Les professionnels de l’information sont passés maîtres dans l’art du détournement des résultats des études sur lesquelles se fondent nos pratiques et nos décisions… »

Le médecin a une obligation de moyens, mais peu à peu, avec les changements de mentalité dans nos sociétés, il devra avoir une obligation de résultat. Cette transformation aboutit à une exagération et à un abus du principe de précaution ; le médecin cherche à se couvrir « en ouvrant le parapluie » et en se protégeant d’éventuelles plaintes. La recherche du risque zéro aboutit à une surconsommation médicale.

Mon avis

Les + :

  • Le point de vue d’un médecin généraliste, qui me semble faire écho à ceux de personnes d’autres domaines, comme par exemple celui de Mark Mattson sur le jeûne, ou encore de Nassim Nicholas Taleb sur l’antifragilité : nous devons réapprendre à faire confiance aux capacités d’auto-guérison du corps, placé au sein d’une bonne hygiène de vie, sans imprudence manifeste. C’est important d’une manière générale, et encore plus dans un système médical de plus en plus influencé par l’industrie pharmaceutique.
  • Une invitation à pratiquer une médecine sur mesure, personnalisée et individuelle, où le patient est associé activement à la démarche.
  • Un rappel « coup de poing » d’un des principes de base de la médecine : primum non nocere, d’abord ne pas nuire. L’obsession de l’action n’est pas un gage d’efficacité : le sur-diagnostic peut être contre-productif, car il peut induire un surtraitement inutile, voire nuisible.

Les – :

  • Un avis qui me paraît parfois bien sévère. C’est facile d’émettre ce type de critiques a posteriori, sans expliciter les balances bénéfices/risques disponibles au moment des prises de décision. Par définition le risque n’est pas une certitude, mais une probabilité.
  • L’auteur associe prise en main de sa santé et recherche utopique d’une santé parfaite, deux notions bien distinctes.
  • L’auteur présente les mesures de paramètres biologiques, mises en regard de normes de référence, en opposition avec l’art du médecin. À mon sens, ces deux aspects doivent être vus comme complémentaires, l’un pouvant enrichir l’autre. En particulier, les mesures appuient la capacité du patient à garder une compréhension de la situation et un regard critique, deux notions mises en avant par l’auteur, à juste titre selon moi.

Photo par ayouph7 77

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