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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « Résilience – connaissances de base »
Ouvrage collectif, rédigé sous la direction de Boris Cyrulnik et Gérard Jorland, 222 pages, publié en 2012
Boris Cyrulnik est neuropsychiatre, directeur d’enseignement à l’université du Sud – Toulon – Var. Il anime plusieurs groupes de recherche sur l’attachement et la résilience. Gérard Jorland, est philosophe et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.
Ce livre porte sur ce qu’est la résilience et sur ce qui peut apporter de la résilience aux enfants. Il fait l’objet d’une chronique en trois parties. Cet article est la première partie de la chronique.
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- En sciences physiques, la résilience désigne la capacité d’un matériau à résister aux chocs et à reprendre une forme fonctionnelle. Ce phénomène physique sert de métaphore pour désigner la capacité d’un être humain à se remettre d’un traumatisme psychique. Dans le langage courant, on parle de « se ressaisir », de « se redresser », de « faire preuve de flexibilité » ou encore de « se remettre sur pied ».
- Les enfants peuvent faire face à de grandes difficultés, parfois dramatiques : abandon, carence affective, mauvaise santé, maltraitance… Dans un tel contexte, certains enfants sont définitivement brisés, alors que d’autres font preuve de résilience.
- Plusieurs psychologues étudient les caractéristiques des enfants résilients. L’objectif est de trouver des lois générales, pour aider ceux qui sont en difficulté.
- Si une zone du cerveau n’est pas régulièrement stimulée, elle perd sa capacité à assurer sa fonction. Ce principe s’applique tout particulièrement au cerveau des jeunes enfants, en plein développement. Par exemple, un enfant se développant dans un milieu affectif appauvri (mort d’un parent, dépression de la mère, violence conjugale, guerre, précarité sociale) présentera un cerveau imprégné d’une base d’insécurité, qui rendra l’enfant plus vulnérable face aux difficultés de la vie : hypersensibilité au stress, hyperémotivité, aggravation anormale d’un ressenti post-traumatique, etc.
- L’attachement à un être aimant et protecteur, en particulier pendant la petite enfance, permet de développer un niveau élevé de résilience.
- Les systèmes familiaux à multiples attachements sont particulièrement efficaces. Selon un proverbe africain, « il faut tout un village pour élever les enfants ». Dans un tel contexte, une difficulté peut blesser, mais le développement reprendra, avec l’enfant entouré d’un milieu prodiguant du soutien.
- En complément du soutien affectif reçu de l’entourage, pouvoir faire le récit d’un traumatisme joue également un rôle clé dans la résilience : il permet notamment de prendre du recul sur le contenu de l’histoire élaborée, de lui attribuer le statut d’une expérience passée, de pouvoir comprendre et parfois donner un sens à l’épreuve douloureuse. Parfois, un récit peut aussi rendre cette épreuve utile aux autres, par le témoignage qu’il constitue. Dans tous les cas, le récit est un support qui permet de partager l’expérience traumatisante avec une personne de confiance, et donc de pouvoir ressentir son soutien.
- Grâce au récit, le traumatisme peut être contré, recadré et relativisé, malgré sa force intrusive, déstructurante et dévastatrice. La capacité à construire un récit peut être acquise hors situation de crise, comme une habitude.
- En matière de résilience, l’art peut remplir des fonctions similaires à celles produites par le récit. Pratiquer une forme d’art, en routine, permet de disposer d’un outil de résilience supplémentaire.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Les défenses immatures – régression, agression, hypocondrie – troublent les relations, altèrent le soutien. Au lieu d’affronter le trauma et sa représentation, au lieu de mentaliser et de chercher un soutien affectif et verbal, ces blessés agressent et s’isolent, ce qui aggrave leur souffrance et empêche leur évolution résiliente. D’autres mécanismes de défense sont, au contraire, matures ; la mentalisation est le plus précieux d’entre eux. Se faire des représentations d’images et de mots ménage un refuge dans la rêverie, protection contre un réel douloureux et source de créativité. L’altruisme organise la resocialisation. L’humour, qui permet de dire le trauma en maîtrisant l’émotion et en ne choquant pas l’auditeur, est proche de la sublimation qui métamorphose la souffrance en œuvre d’art.
Certains mécanismes de défense sont momentanément acceptables, comme le déni. Celui-ci protège de la souffrance et peut donner le temps de se calmer et de déclencher plus tard un processus de résilience.
Dans les familles « désengagées », le blessé n’a pas appris à compter sur les autres. L’affection et la souffrance y sont peu exprimées, empêchant ainsi les deux clés de la résilience : le soutien affectif et le sens donné par les récits.
Quand la mémoire ne sert qu’à retenir la blessure, elle empêche la résilience […] mais, quand notre entourage nous propose un lieu de parole, nous pouvons partager notre émotion douloureuse. Non seulement nous ne sommes plus seuls au monde, mais, pour communiquer, nous devons choisir les mots, les images et les gestes qui nous permettront d’exister dans l’âme de l’autre.
Un barème de l’impact traumatique ne permettrait pas de prédire la résilience. C’est une convergence de causes hétérogènes qui explique que certains blessés se remettent à vivre après un trauma qui paraissait énorme, alors que d’autres restent fracassés par une déchirure que l’entourage croyait anodine.
Tout au long du récit des soixante-douze ans de la vie de George Sand, une série de stratégies utilisées pour traverser les difficultés et faire preuve de résilience [est mise en évidence]. Ainsi, j’ai pu noter le fait de cultiver l’optimisme, la gaieté, l’humour, l’engagement spirituel et la foi, la sublimation et l’investissement dans la création littéraire, la fuite, la possibilité de s’appuyer sur un réseau social, une attitude particulière à l’égard de la souffrance, attitude caractérisée par le fait que Sand, comme Goethe, ne croyait pas qu’il fût louable de cultiver la douleur.
La résilience est un tricot qui noue une laine développementale avec une laine affective et sociale. Toute forme de vie multicellulaire est organisée pour répondre à une variation de son milieu de vie ou de ses demandes physiologiques internes. Des hormones coordonnant l’action des organes existent chez les êtres les plus simples, qui ont pour la plupart été conservées chez l’homme. La cognition et la conscience spécifiques à l’être humain font que nous sommes sensibles aussi à des stress psychologiques complexes qui déclenchent les mêmes systèmes adaptatifs de réponse que les stress physiologiques. Cette recherche d’équilibre, d’homéostasie, s’accompagne de la prise de conscience émotive et cognitive de ces besoins avec un affect très négatif, mais évolutivement positif puisqu’il pousse à réagir.
Les grossesses difficiles et à problèmes, les troubles périnatals mère-enfant, les troubles de l’attachement précoce, l’abandon d’enfants et les carences affectives, en dehors de tout stress majeur de guerre ou de maltraitance, seront donc automatiquement les principaux pourvoyeurs d’anxiété, de sentiments d’insécurité, de crainte du futur, de troubles de l’humeur, de non-projection dans l’avenir et de dépression à l’âge adulte. Le moindre stress déclenchant pourra faire s’écrouler un équilibre mental fragilisé tôt, in utero ou dans l’enfance. Ces modifications biochimiques, abondamment illustrées chez l’homme comme sur des modèles animaux, touchent nos cellules nerveuses au plus profond de leur génome.
Depuis quelques années, on a démontré qu’un impact psychique majeur était transmissible sur plusieurs générations par des modifications dites épigénétiques. On a non seulement une transmissibilité héritable bien prévisible par le contexte familial lui-même, mais aussi une transmission héréditaire réelle heureusement assez labile. Ce phénomène est d’ailleurs très commun, il n’est pas spécifique aux atteintes psychocomportementales dues au stress et touche tous nos métabolismes. Il est fondé sur des modifications biologiques objectives des gènes, principalement leur pourcentage de méthylation. Ce taux est mesurable en laboratoire sur des gènes choisis, et on parle du méthylôme de nos gènes.
On retrouve aussi ces modifications dans de grands fléaux comme le diabète, l’obésité, l’hypertension, dont la dimension transgénérationnelle importante vient d’être révélée. Les méthylations de notre ADN et des histones enroulant notre ADN, qui en bloquent la lecture, ou des acétylations activatrices de ces histones contrôlent mécaniquement l’expression de chacun de nos gènes et sont la partie finale de la réponse au stress. L’individu peut, à génome donné, fixé à la naissance – donc sans modifier sa séquence de gènes dont les mutations aléatoires prendraient des siècles – s’adapter très rapidement aux modifications et à la dureté physique ou mentale de son nouvel environnement.
Les promoteurs de nos gènes, parties où se déclenche leur lecture, sont modifiés ou rendus plus ou moins accessibles, et la lecture de ces gènes en est immédiatement changée, parfois en quelques dizaines de minutes. C’est un gain évolutif immédiat, transmis pour partie aux gamètes et formidablement efficace, qui assure la propagation adaptative de l’espèce en un milieu changeant, et cela dans le délai d’une seule reproduction de l’espèce.
La transmission de ces modifications acquises aux nouveaux descendants permet une préadaptation aux conditions nouvelles du milieu auxquelles ont dû s’adapter et survivre les parents, gain très utile lors de la naissance et qui se fait sans attendre de mutations directes et hasardeuses d’un ADN transmis quasi inchangé sur de longues générations. L’intérêt évolutif pour la survie est évident. Cela explique du même coup pourquoi il n’y a souvent pas de mutations précises de nos gènes retrouvées pour la majorité des grandes maladies psychiatriques répertoriées : c’est le taux d’expression de certains gènes dans le cerveau, et non les gènes eux-mêmes, qui est modifié. À génome identique, donc à « carte » d’ADN égale, un sujet sera atteint et l’autre non, leur contrôle épigénétique étant différent. On retrouve là, en passant, la variété infinie constatée dans la race humaine que le groupe des quelque vingt-cinq mille gènes environ que nous exprimons ne peut justifier mathématiquement à lui seul, grande énigme de la biologie des dernières décennies.
La seconde partie de cette chronique se trouve ici : Comment entourer les enfants d’un environnement qui les rend résilients, avec Boris Cyrulnik (2/3)
Cette chronique met en avant l’importance d’entourer les enfants d’un environnement correspondant à leurs besoins naturels, en particulier pendant la « fenêtre de vulnérabilité » que constituent les premières années. Une démarche répondant à la même logique peut être menée concernant les pollutions environnementales. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.
Photo par Kat Grigg