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Bonne lecture 🙂
Chronique du livre « La Fabrique du mensonge »
De Stéphane Foucart, 416 pages, publié en 2014
Stéphane Foucart est journaliste scientifique pour le journal Le Monde. Il est spécialisé, notamment, dans les sciences de l’environnement.
La Fabrique du mensonge porte sur les mécanismes permettant aux entreprises d’utiliser la démarche scientifique à leur profit.
Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la quatrième partie de la chronique. La première partie se trouve ici : Comment les industriels manipulent la science, selon Stéphane Foucart (1/5)
Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »
Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.
- Une autre pratique des industriels, d’une redoutable efficacité, est de participer à des groupes chargés de définir des référentiels pour certains domaines scientifiques : lignes directrices, normes, bonnes pratiques de référence, protocoles expérimentaux, etc. D’une manière générale, cette participation vise deux objectifs différents :
- obtenir des référentiels très exigeants, le plus difficilement applicables possible, dans le but officiel de créer de la « bonne science (« sound science ») ; ainsi, par la suite, construire une preuve scientifique sera d’autant plus difficile, ce qui constituera un contexte propice à produire du doute ;
- obtenir des référentiels qui ne sont pas suffisamment fins pour détecter certaines observations dérangeantes. Par exemple, les tests de toxicologie réglementaires ne sont pas adaptés pour les effets des substances perturbant le système hormonal.
- Les agences de sécurité sanitaire, telle que l’Anses en France ou l’EPA aux États-Unis, ont pour rôle d’être l’interface entre le savoir produit par l’activité scientifique et la société au sens large – citoyens, régulateurs, médias, associations professionnelles, entrepreneurs, etc. Ces agences se composent de panels d’experts, dont la mission est, notamment, de fournir des avis scientifiques pour répondre aux questions posées par les pouvoirs publics.
- Les conclusions de ces panels d’experts dépendent grandement de leur composition, bien évidemment. C’est pourquoi les industriels usent de tout leur poids pour intégrer un maximum de panels.
- La réglementation européenne sur les produits chimiques (REACH) impose aux industriels de réaliser eux-mêmes, et non pas aux frais de la collectivité, les évaluations de risques associées à leurs nouveaux produits. Ce renversement de la charge de la preuve est une première mondiale. Cette réglementation semble, en toute bonne logique, traduire une élémentaire justice.
- Néanmoins, compte tenu de l’influence de la source de financement sur les résultats d’une étude (conflits d’intérêts, funding effect), cette organisation biaise les résultats obtenus. Il aurait été beaucoup plus simple de demander aux industriels de confier l’argent à une agence publique, qui se serait chargée de piloter et de redistribuer les tests toxicologiques aux laboratoires compétents – publics ou privés.
Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »
Par exemple cet autre cancer du système reproducteur masculin, celui du testicule, lui aussi en hausse constante. Selon les statistiques de l’InVS, il a plus que doublé en France entre 1980 et 2005 — chez l’homme jeune, c’est-à-dire dans la tranche d’âge 25-34 ans, il a triplé en France entre 1975 et 2005. Or, pour ce cancer spécifique, il n’existe aucun programme de dépistage systématique. Cette hausse est, là encore, sensible dans l’ensemble des pays du Nord.
Il est assez perturbant de constater qu’au contraire de toutes les sciences pratiquées au début du XXIe siècle, il n’y a guère que la toxicologie réglementaire qui n’ait pas connu de révolution ou de changement de paradigme depuis près de cinq siècles.
Le point est technique mais mérite que l’on s’y attarde : le rat dit « de Sprague-Dawley » est vingt-cinq mille fois à cent mille fois moins sensible à la perturbation endocrinienne que nombre de souches de rongeurs utilisées par les laboratoires universitaires ou académiques. Le biochimiste Claude Reiss, directeur de recherche honoraire au CNRS, grand pourfendeur de la toxicologie réglementaire, le dit sans ambages : « Les toxicologues des laboratoires privés qui travaillent pour les entreprises connaissent très bien toutes les techniques pour minimiser les effets de tel ou tel produit. Outre le choix des souches de rongeurs utilisées — par exemple très peu sensibles à la cancérogénèse ou à telle autre maladie —, il est possible de contrôler très étroitement la diète des animaux et, en les nourrissant très peu, on diminue par exemple et de manière considérable le risque de voir apparaître des tumeurs. » On voit bien par quels moyens les études industrielles — non seulement sur le bisphénol A mais aussi sur d’autres substances — peuvent être menées pour ne jamais rien découvrir.
« L’industrie est parvenue à remporter un extraordinaire succès en finançant et en faisant publier un petit nombre d’études qui ne trouvent jamais rien, explique Frederick vom Saal. Et ce petit nombre d’études parvient à fabriquer du doute et à créer de l’incertitude. Cela permet de créer de la controverse là où il n’y en a pas et, en définitive, cela permet de dire : avant de réglementer, il faut faire plus de recherches, nous avons besoin d’encore dix ans. » Il faut « plus de recherches ». Le refrain est désormais bien rodé.
Pour les spécialistes du bisphénol A, le biais principal est, précisément, dans ces fameux tests standardisés. « Depuis plus d’une décennie, il est reconnu par l’ensemble des spécialistes que ces tests ne conviennent pas aux perturbateurs endocriniens », estime Patricia Hunt.
« Ces études ne voient rien parce qu’elles ont été mises au point dans les années 1950 et sont complètement obsolètes, précise Frederick vom Saal. C’est un peu comme si on cherchait à déterminer le lieu d’atterrissage d’astronautes sur la Lune à l’aide de jumelles ! » Les grands reproches qui sont faits à ces études sont qu’elles ne testent généralement les produits qu’à haute dose.
Par certains aspects, l’affaire a donc les traits d’une lutte de disciplines : les toxicologues de la vieille école affrontent la biologie du XXIe siècle. D’un côté les experts des agences, formés au dogme de l’« effet dose-réponse », de l’autre, des biologistes pour qui cette loi d’airain n’a plus lieu d’être. Car — et c’est là le grand changement de paradigme auquel est confrontée la toxicologie — les perturbateurs endocriniens peuvent avoir des effets plus importants à faibles doses qu’ils n’en ont à des doses cent ou mille fois plus élevées. Ce constat est extraordinairement contre-intuitif mais il est reconnu par l’ensemble des spécialistes de la perturbation hormonale.
Il faut se le répéter pour y croire : non seulement les effets à faible dose existent, mais ils peuvent être dans certains cas plus forts qu’à haute dose. Cela peut sembler contraire au bon sens, mais après tout la science est tout entière construite, dit-on, sur les cendres du bon sens. Car si l’on s’en tient à notre instinct et à notre perception brute des choses, la Terre est plate, le Soleil tourne autour d’elle, la relativité et la physique quantique sont des chimères…
Jamais il ne sera possible d’apporter la preuve définitive de la nocivité du bisphénol A sur les humains. D’abord parce que l’ensemble de la population est imprégnée et qu’il n’est pas possible aux épidémiologistes de trouver une population humaine importante complètement préservée. Un peu à la manière des agrochimistes qui ont tant dispersé leurs produits dans l’environnement qu’une étude en plein champ n’est désormais plus possible avec un environnement-contrôle, les industriels du plastique ont réussi une manière de crime parfait en imprégnant chaque être humain, ou presque, d’un perturbateur endocrinien.
La suite de la chronique se trouve ici : Comment les industriels manipulent la science, selon Stéphane Foucart (5/5)
Cette chronique met en avant l’importance de protéger les enfants des substances préoccupantes, par soi-même avant tout, car les actions des pouvoirs publics peuvent être très insuffisantes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.