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Substances toxiques : une peur déraisonnable, selon Jon Entine (4/4)

[Le principe de précaution] est un principe suicidaire que la France est le seul pays du monde à avoir inscrit dans sa constitution. Ainsi, on ne se tire pas une balle de pied, on se tire une balle dans la tête. - Jacques Attali

Le principe de précaution est un principe de raison, il n'est en aucun cas un principe d'émotion. - Roselyne Bachelot (2009), alors ministre en charge de la santé

Chronique du livre « mort de peur : comment la chimiophobie menace la santé publique »

Chimiophobie substances chimiques peur

de Jon Entine, 122 pages, publié en 2011

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Jon Entine est journaliste scientifique et consultant, spécialisé dans les domaines de la chimie, des biotechnologies et de la génétique.

Ce livre décrit comment les dangers liés aux substances chimiques font l’objet de peurs déraisonnables et contre-productives.

Concernant les risques associés aux pollutions environnementales, Jon Entine propose une interprétation des données existantes bien différente de celle proposée sur ce blog. Il me semblait donc important de vous en faire part, chers lecteurs, et d’en faire une chronique aussi objective que possible.

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Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • Dans le monde de la recherche, on trouve aussi des acteurs dont les discours sont déraisonnables. En général, ils sont réfutés et isolés par la communauté scientifique. Néanmoins, certaines ONG basent leurs affirmations uniquement sur leurs travaux (inutilement) anxiogènes, sans mentionner toutes les études qui les contredisent. Ces ONG contribuent à biaiser la perception de l’état de la science par le grand public.
  • Des substances naturelles, présentes dans des aliments classiquement consommés en routine, sont aussi capables de perturber le système hormonal. Par exemple, des phyto-oestrogènes peuvent être trouvés en quantités significatives dans les noix et les oléagineux, dont le soja.
  • Sous la pression des médias et d’un grand public désinformé, certains gouvernements appliquent une déclinaison excessive du principe de précaution, échangeant parfois un risque incertain contre un risque certain d’un autre type.
  • A partir du moment où des industriels financent ou participent à une étude, les résultats associés sont considérés comme biaisés par la plupart des associations, même si le contenu et les résultats de ces études sont respectivement audités et expertisés par des organismes publics de référence.
  • En parallèle, la « revue par les pairs » ne suffit pas à assurer une bonne qualité d’études. Il existe des revues à comité de lecture et qui sont bien connues pour être de piètre qualité. En particulier,
    • les articles publiés ne subissent jamais d’audit de la part d’organisme publics de référence ;
    • les processus d’assurance qualité ne sont généralement pas décrits ;
    • les relecteurs ont rarement accès aux données brutes, pour approfondir les synthèses fournies par l’article.
  • Le principe de Paracelse doit rester la loi centrale de la toxicologie : c’est la dose qui fait le poison ; le risque sanitaire d’une substance est proportionnelle à la dose d’exposition. Les autres types de courbes doses-réponses sont des hypothèses qui ne sont pas prouvées de manière robuste.
  • Il est logique que nous retrouvions de nombreuses substances de synthèse dans nos corps, car de nombreuses substances se trouvent dans notre environnement.

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Chimiophobie substances chimiques peur4

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Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »

Selon un récent sondage auprès de plus de 2 500 membres de l’Association américaine pour l’avancement de la science, 76 % d’entre eux croient que les actualités médiatiques échouent à distinguer entre les résultats scientifiques robustes et ceux qui ne le sont pas. 48 % d’entre eux disent que les journalistes sur-simplifient régulièrement les questions scientifiques.

Nous devons reconnaître, et expliquer au grand public et à ses représentants, que la plupart des activités impliquant des technologies auront des effets indésirables comme des désirables. La peur de l’inconnu et des précautions exagérées ne devraient pas être invoquées pour faire obstacle à la science.

S’il n’y avait pas eu un flot d’innovations scientifiques tout au long de l’Histoire, le monde aujourd’hui ne serait pas capable d’assumer sept milliards de personnes vivant dans des systèmes communautaires complexes et dynamiques. La science et la technologie ont amélioré nos vies de plus de manières que nous ne pouvons l’imaginer, et les produits chimiques ont joué un rôle clé. Espérons que cela continue.

Jusqu’à ce qu’un produit soit utilisé depuis un bon moment, il est difficile de faire la lumière sur sa toxicité et sur combien de personnes peuvent être affectées. Il est très possible que le remplacement d’une substance chimique, et des produits en contenant, sera associé avec au moins autant de risques.

Les médias donnent une attention excessive aux vues des ONG qui sont sensationnelles et critiques envers l’industrie. L’industrie répond à ce tir de barrage de publicité négative en retirant les produits attaqués. Cela amène souvent le gouvernement à faire passer des législations restrictives. Ces cycles attaquer-retirer, répété encore et encore, contribue à ce que le grand public perçoive les allégations initiales comme scientifiquement valides. Pourtant, ce n’est souvent pas le cas.

Oui, des désastres environnementaux ont eu lieu à cause de l’avidité ou de l’indifférence de corporations et à l’incompétence de gouvernements. Il y a des exemples dans lesquels les corporations ont exercé leur influence pour faire plier des politiques en fonction de leurs besoins, et le grand public en a payé le prix. Mais en grande partie, les souhaits des corporations et du grand public coïncident. Les affaires qui brisent la confiance de leurs clients ne prospèrent pas.

 

Mon avis

Les “+” :

  • un discours à la fois posé et incisif, s’appuyant sur des argumentaires très documentés ;
  • un bon panorama des arguments classiquement présentés par le monde industriel en général, et plus particulièrement par l’industrie chimique ;
  • stimule et nourrit la réflexion, notamment en questionnant les thèses classiquement mises en avant en santé environnementale. Je crois que la confrontation d’arguments, accompagnés de leur logique et des données sous-jacentes, permet à chacun de progresser dans la réflexion, même en cas de fort désaccord et de risque de mauvaise foi.
  • Comme dans tous les domaines, la santé environnementale inclut des personnes qui communiquent des affirmations inexactes et des sur-interprétations, qui mettent en avant leur propre personne plutôt que des messages d’utilité publique, qui se croient plus compétents qu’ils ne le sont… Recenser ces pratiques et contre-argumenter est un exercice qui me parait utile en soi ;
  • met l’analyse bénéfices-risques au centre de l’évaluation des substances. A ce stade de mes réflexions, je suis assez en phase avec ce principe. On pourrait cependant reprocher à l’auteur de ne pas préciser que les données disponibles permettent rarement d’obtenir des analyses robustes… voire, également, que les personnes qui jugent les risques acceptables ne sont pas forcément ceux qui les subissent. Pour le moment, dans le cadre de cette balance bénéfices-risques, je me retrouve assez dans ces deux citations :
    • Une règle de conduite sensée consisterait à réduire l’exposition au risque chaque fois que possible, à n’accepter un gros risque qu’en cas de grande utilité, et aucun risque lorsque l’utilité semble dérisoire. – Philip Handler, ancien président de l’American Academy of Science
    • L’obligation de subir nous donne le droit de savoir. – Jean Rostand

Les “-“ :

  • critiquer l’exagération et choisir un tel titre de livre semble plutôt contradictoire. Sous couvert de la prudente formule « certaines ONG », l’auteur dépeint puis critique une vision des associations environnementales qui me parait assez caricaturale ; je ne crois pas qu’utiliser des arguments « épouvantails » soit une façon efficace de faire avancer les débats et de corriger des exagérations.
  • Critique la manipulation du vocabulaire et emploie cette même technique dans l’ouvrage.
  • Considérer quasi-chaque argument contraire comme provenant d’un « activiste » ne renvoie pas une impression globale d’objectivité.
  • Au lieu de présenter les sujets de débat avec des interlocuteurs crédibles des deux côtés, une description des poids de preuves et les zones d’incertitudes actuels, l’auteur exprime une liste de certitudes avec un ton d’évidence, pourtant parfois directement opposées à celles de certains chercheurs reconnus. On ressort de cette lecture avec un sentiment de performatif, du type “je l’affirme donc c’est vrai”. Bref un positionnement peu scientifique qui appelle la circonspection.
  • Des critiques ad hominem, portant sur Tyrone B. Hayes notamment.
  • L’argumentaire proposé est uniquement à charge, principalement contre l’action d’ONG et contre l’excès de précaution des autorités. Cela aurait été plus éclairant de présenter quelques contre-exemples, par exemple une insuffisante évaluation de risque initiale, qui aurait conduit à un impact significatif identifié dans un second temps. Ces contre-exemples ne sont pas rares et ont même été identifiés/analysés par des organismes publics de référence depuis un moment (ex : Agence Européenne pour l’Environnement (AEE). Signaux précoces et leçons tardives – Le principe de précaution 1896 – 2000. Institut français de l’environnement (Ifen), 2004. )
  • J’aurais bien aimé que l’auteur aborde aussi les effets cocktails, les incertitudes des évaluations réglementaires, les méta-analyses qui montrent l’influence de l’origine des financements… pour avoir des contre-argumentaires nourris sur ces sujets d’intérêt et ainsi questionner la robustesse des points de vue les plus couramment rencontrés (et des miens !).
  • L’ensemble du blog a pour vocation d’être une réponse argumentée à nombre d’affirmations soutenues par l’auteur, et dont je conteste la validité/pertinence/logique. Par exemple, concernant les évaluations de risques réglementaires, précédant la mise sur le marché d’une substance :
    • elles reposent sur des principes toxicologiques insuffisants pour tenir compte de tous les mécanismes d’actions connus. En particulier, les protocoles de tests ne sont pas adaptés pour pouvoir détecter les perturbations du système endocrinien,
    • elles ne permettent pas d’assurer l’absence de situations préoccupantes pour les enfants,
    • elles reposent sur des principes qui peuvent créer artificiellement des seuils d’innocuité,
    • elles ne couvrent pas plusieurs effets potentiellement très préoccupants (ex : développement du cerveau chez le fœtus),
    • elles s’appuient sur des critères moins nombreux que les critères utilisés dans la recherche universitaire,
    • elles reposent sur des données produites par les fabricants et expertisées par des agences publiques disposant de moyens insuffisants,
    • elles considèrent des substances individuelles, alors que la population générale est exposée tous les jours à des dizaines de substances (dont les toxicités peuvent rentrer en synergie, ce que l’on appelle les « effets cocktails »)
    • réalisées en temps limité, elles ne peuvent évaluer qu’imparfaitement les effets chroniques (faibles doses sur le long terme) ;
    • elles n’étudient pas les périodes d’exposition les plus sensibles en tant que telles (« fenêtres de vulnérabilité ») : période fœtale, premières années de vie, puberté, etc.
  • un « – » pour ma chronique cette fois-ci : je suis en profond désaccord avec une bonne partie des thèses défendues par ce livre et avec ce que j’intuite être ses motivations. J’ai essayé d’en présenter les arguments et les logiques aussi objectivement et fidèlement que possible. L’objectivité parfaite n’existe pas mais, compte tenu de mon point de vue sur le livre, je suppose qu’elle est ici forcément très imparfaite.

Photo par Eelke

 

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