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Protéger les enfants des pollutions du dehors, avec le chercheur Rémy Slama (5/5)

Dans les pays développés, on est passé d’une pollution bactériologique à une pollution industrielle, et aujourd’hui, à une pollution chimique. Cette dernière pose de nouveaux défis aux professions sanitaires, car elle est difficile à évaluer et à prévoir. - Pr Jean-François Narbonne

Des partisans de la nouvelle réglementation ont avancé l’argument selon lequel de plus en plus d’études établissaient un lien entre, d’une part, des troubles du neurodéveloppement et du comportement, et, d’autre part, la pollution environnementale. Énième exemple d’action tardive, menée des décennies après la commercialisation de produits chimiques testés à la va-vite, qui ont ainsi eu le temps de s’accumuler dans l’environnement. – Pr Barbara Demeneix

Cet article porte notamment sur les recommandations de santé environnementale issues d’un livre de Rémy Slama.

 

Chronique du livre « Le mal du dehors » Le mal du dehors Remy Slama - couverture du livre de Rémy Slama, 376 pages, publié en 2017

 

Rémy Slama [1] est directeur de recherche à l’Inserm, où il pilote une équipe spécialisée en épidémiologie environnementale. Par ailleurs, il est président du comité scientifique du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens.

Ce livre propose une synthèse des connaissances sur l’influence de l’environnement sur la santé. La chronique débute ici. Protéger les enfants des pollutions du dehors, avec Rémy Slama (1/5).

 

Santé environnementale selon Rémy Slama : quelques informations et points de vue intéressants

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • Parmi les grandes familles de mécanismes menant à une pathologie, la plupart des mécanismes étudiés est caractérisées par l’organe, le système ou le type de molécule ciblé. Aujourd’hui, d’autres mécanismes sont de plus en plus étudiés : ceux qui sont caractérisés par la fenêtre de temps pendant laquelle l’organisme est exposé. Certaines fenêtres correspondent à une plus grande vulnérabilité du corps humain : vie fœtale, premières années de vie, adolescence, etc.
  • Pour la plupart des substances, la vie fœtale apparaît être la fenêtre de vulnérabilité la plus préoccupante. Les effets associés à cette période renvoient au concept des « origines fœtales des maladies ». Ce concept, qui met l’accent sur les effets à court et à long terme des expositions précoces à des facteurs environnementaux, pourrait être une explication à l’augmentation des maladies chroniques « de civilisation ».

Lenteur de l’action des pouvoirs publics

  • La prise en compte des connaissances scientifiques par le législateur peut être lente, voire très lente, surtout pour des substances présentant de forts enjeux industriels. Par exemple :
    • la nocivité du plomb étaient probablement connue depuis environ 2 000 ans avant notre ère : il aura donc fallu environ 4 000 ans aux pays d’Europe pour l’interdire ou limiter fortement sa présence dans l’essentiel des activités et productions industrielles. En outre, utilisé dans les peintures jusqu’au milieu du XXe siècle, le plomb est encore présent dans une proportion significative d’habitats aujourd’hui ;
    • la nocivité du benzène a été soupçonnée dès la fin du XIXe siècle, après le signalement de maladies professionnelles dans l’industrie des pneus et du nettoyage à sec. De nombreux cas de leucémies ont été décrits chez des travailleurs fortement exposés, jusque dans les années 1950 à 1970.
  • Lors des tests de toxicité réglementaires, l’approche souvent utilisée pour identifier un seuil :
    • s’appuie sur un nombre faible d’animaux ;
    • considère « sans effet » une dose pour laquelle un test statistique ne conclut pas à l’existence d’une différence significative entre animaux exposés et animaux témoins,
  • Or, un faible nombre d’animaux ne permet d’obtenir qu’une faible puissance statistique. Il ne permet donc de voir que les excès de risque les plus élevés. Par conséquent, dans de nombreux cas, on obtiendrait des conclusions différentes avec plus de moyens. Par exemple : plus d’animaux comparés, méthodes statistiques plus adaptées. En particulier, on conclurait probablement à l’existence d’effets à des doses plus faibles. Ou encore, on conclurait à l’impossibilité de mettre rigoureusement en évidence un seuil d’innocuité. Mais, en l’état, cette approche peut conclure à des seuils d’innocuité qui n’existent pas. En d’autres termes, cette approche peut en quelque sorte « fabriquer » des seuils d’innocuité.

Quand faut-il agir ?

  • En pratique, pour beaucoup de sujets à enjeux en santé environnementale, savoir comment agir n’est pas le principal frein à l’action publique. D’une manière générale, il s’agit plutôt de savoir si les connaissances sont suffisamment avancées et solides pour justifier l’action.
  • En termes d’action publique, pendant longtemps, seule une certitude scientifique justifiait une décision. En particulier, une limitation d’activités industrielles à potentiels effets sanitaires demandait une totale certitude scientifique. L’autorisation de l’activité ne requérait pas la certitude d’une absence de risque, elle. Néanmoins, toute limitation demandait la certitude de nocivité.
  • A présent, la législation et la réglementation ont évolué. Elles visent notamment à éviter l’utilisation de l’incertitude comme un motif d’inaction face à une forte préoccupation. Cette évolution se base sur le principe de précaution.
  • Selon la plupart des scientifiques, une alerte sérieuse correspond à :
    • des résultats préoccupants et répliqués ;
    • un corpus cohérent d’études de bonne qualité autour d’une question, même s’il reste des zones d’ombre.

 

santé environnementale Rémy Slama - des chercheurs au laboratoire

 

Santé environnementale selon Rémy Slama : quelques extraits en lien avec la thématique des enfants

Le fonctionnement de l’Agence française du médicament avant qu’elle ne soit réformée suite au drame du Médiator constitue un autre exemple plus récent de la problématique des conflits d’intérêts dans les groupes d’experts. On peut aussi citer celui d’agences européennes, dont les politiques de gestion des conflits d’intérêts ont été remises en cause au point que le Parlement européen a refusé de voter leur budget, avant que certaines mesures ne soient prises.

Les décideurs et leur cabinet ne pourraient-ils pas justifier qu’ils ne passent pas sans raison valable un temps disproportionné avec l’une des parties concernées par une décision, par rapport aux autres parties ? Assurer cette transparence et cet équilibre dans les parties consultées, sans forcément fermer la porte au lobbying, permettrait, au minimum d’aller vers un lobbying un peu plus équilibré…

Les fausses alertes sont-elles fréquentes ? Il semble que non. Dans le champ de la santé environnementale, les alertes durables qui se sont révélées erronées sont relativement rares.

Il y a des alternatives au principe de précaution.

Si la science était beaucoup plus rapide à fournir des certitudes, il serait probablement peu utile. Mais rendre la science plus rapide reviendrait à accepter de donner des moyens considérables à la recherche et la surveillance en santé environnementale. Ainsi, on peut voir l’application du principe de précaution comme la conséquence du choix de ne pas vouloir d’une science forte, dotée de moyens considérables.

Historiquement, il peut aussi être vu comme une réaction à de nombreuses situations où l’éclosion de la certitude a été rendue impossible, ou fortement retardée — si la certitude est impossible, il faut disposer d’outils permettant d’agir en son absence.

Dans le cas de l’amiante, dont les effets sanitaires chez l’humain sont probablement plus conséquents que ceux du DDT, le délai avant une réaction forte des principaux pays a été bien plus long que pour le DDT. Gardons à l’esprit cette image d’une substance mise sur le marché très rapidement après sa découverte ou la découverte de son intérêt et qu’il faut des années voire des dizaines d’années de débats, pressions, hésitations pour retirer du marché, et bien plus de temps encore pour qu’elle, ou ses effets, disparaisse de l’organisme humain.

[L’incertitude] est inhérente à la connaissance scientifique, surtout dans le contexte de la santé environnementale où les modifications de l’environnement se font à un rythme rapide par rapport à celui de l’avancée de la science.

Maîtrise très imparfaite

Les développements des outils de biologie moléculaire et des études d’épidémiologie et de biosurveillance ont permis de prendre conscience, au début du XXIe siècle, d’une exposition de la population générale à des centaines de substances créées par les activités humaines, substances qui, une fois dans l’environnement ou dans l’organisme, donnent naissance à d’autres substances, métabolites, produits de leur dégradation. Il s’agit de visiteurs silencieux de notre organisme […] la plupart n’étaient probablement pas là chez nos ancêtres vivant avant le milieu du XXe siècle).

La logique simpliste des études de toxicologie réglementaire visant à déterminer les doses sans effet sans s’assurer d’avoir la puissance statistique nécessaire, l’abstraction faite des effets de synergie entre substances dans la plupart de ces études et la non-considération de facto (par le choix des experts entre autres raisons) des études épidémiologiques dans la réglementation sur la plupart des substances, font qu’on ne peut rigoureusement être convaincu de l’efficacité de ce système.

Longtemps, on a exigé la certitude scientifique pour agir contre une substance jugée nocive, tout en luttant peu contre de nombreuses approches et stratagèmes permettant de retarder l’éclosion de cette certitude. Puis on a développé une logique permettant de ne pas attendre la certitude avant d’agir face à un danger majeur, celle du principe de précaution, qui a été gravée au plus haut niveau des textes de loi, mais qui semble rester dans ces sommets sans être beaucoup utilisée. Ainsi il y a de quoi être dubitatif sur l’efficacité du système de surveillance et de la réglementation environnementale et sanitaire — en tout cas il n’est pas parfait.

 

Mon Avis

Les « + » :

  • Les analyses et les points de vue de Rémy Slama, un acteur de référence en santé environnementale. Donc un livre à lire.
  • Présenter autant de connaissances de qualité, sur autant de sujets différents bien qu’inter-reliés, constitue un exercice bien délicat. Cet exercice demande une culture généraliste vaste et robuste. « Chapeau l’artiste ! »
  • très bien documenté, rigoureux et très complet : un livre de référence. La chronique ci-dessus ne propose la synthèse que d’une petite partie du contenu fourni par le livre.
  • L’auteur dépasse le bilan scientifique et technique. En effet, Rémy Slama propose une analyse approfondie sur la manière dont les pouvoirs publics utilisent les connaissances produites. Puis il fait des propositions d’amélioration concrètes.

Les « – » :

  • La lecture d’un ouvrage si dense demande beaucoup de concentration. Il s’adresse donc plutôt aux lecteurs ayant un intérêt significatif (et technique ?) pour la santé environnementale.
  • Le travail de l’auteur présente une grande qualité. Par conséquent, je me sens frustré que le livre ne traite pas des actions possibles au niveau individuel.

J’ai beaucoup d’estime pour le travail de Rémy Slama en santé environnementale. J’ai aussi beaucoup d’estime pour ce que je connais de la personne. Pour une vision moins enthousiaste de son travail, le lecteur pourra considérer le commentaire de Catherine Hill [4].

 

Références – Santé environnementale selon Rémy Slama

  1. Rémy Slama. Notamment Directeur de l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IReSP). 2021. Lien. Et aussi :
  2. Slama R. Le mal du dehors. L’influence de l’environnement sur la santé. Éditions Quæ. 2017. Notamment lien. Et également :
  3. Carson R. Printemps silencieux. Wildproject Editions. 2014. (Silent Spring : 1962). Et aussi :
  4. Hill C. Le mal du dehors. Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS). Notamment : lien.

Photo notamment par Laboratory Stuff

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