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Intégrer des « nourritures affectives » dans l’environnement des enfants, avec Boris Cyrulnik (1/2)

Quand la seule chose que nous savons, est que l’amour est la seule chose qui existe, et que cela nous suffit - Emily Dickinson

Ce qui se passe entre deux êtres est aussi important que ces deux êtres eux-mêmes. - François Cheng

Chronique du livre « Les nourritures affectives »

Nourritures affectives Cyrulnik enfants

De Boris Cyrulnik, 244 pages, publié en 1993

 

Boris Cyrulnik est psychiatre et psychanaliste. A la date de publication des Nourritures affectives, il dirigeait un groupe de recherche en éthologie.

Ce livre traite du lien entre santé mentale et environnement affectif. Certains chapitres portent sur le cas particulier des enfants.

Ce livre fait l’objet d’une chronique en deux parties. Cet article est la première partie de la chronique.

 

Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • L’isolement social augmente les manifestations de pathologiques mentales.
  • Le patrimoine génétique d’un individu constitue avant tout une série de potentialités. Ces potentialités seront activées ou non, en fonction de différents facteurs. Un de ces principaux facteurs est l’environnement de l’individu, et en particulier son environnement affectif.
  • Ce principe invite à observer toute espèce d’être vivant dans son milieu naturel, pour essayer de se représenter l’environnement nécessaire à son existence.
  • La description du monde animal, puis sa comparaison au monde humain, constituent une source féconde d’hypothèses. Ces hypothèses, une fois approfondies par des études, peuvent permettre de mieux comprendre l’homme.
  • Ce principe est à la base de l’éthologie. Il s’agit de stimuler la pensée, non d’extrapoler ou de réduire l’homme à l’animal.
  • Par peur de la nature, certaines personnes se coupent du monde sensible au profit du monde intellectuel. Pour elles, la sensorialité et l’affectivité sont du registre de l’animalité. Aujourd’hui, les réflexions sur l’affectivité ne font plus cette coupure.
  • L’affectivité peut être décrite comme une force biologique, un lien entre des êtres vivants, qui s’appuie sur l’expérience de leur sens.
  • Bien avant de pouvoir parler, un enfant est capable de compréhension. Dans un premier temps, la pensée et les représentations s’organisent à partir des premières perceptions sensorielles. Cette organisation débute dès le stade fœtal, où les cinq sens permettent déjà un premier niveau de perception.
  • Parmi ces premières perceptions, l’odorat joue un rôle clé. Les circuits associés représentent un tiers du poids total du cerveau. Par exemple, sentir l’odeur de leur mère (sa peau, un de ses vêtements…) aide souvent les bébés à s’endormir, quelle que soit la culture.
  • La sécrétion d’hormones a été associée à la perception d’odeurs. Les 30 millions de récepteurs olfactifs de l’homme, bien que moins nombreux que les 300 millions du chien, permettent de pouvoir reconnaître plusieurs milliers de variétés olfactives. Le vocabulaire disponible n’est pas assez riche pour pouvoir toutes les nommer.

 

Nourritures affectives Cyrulnik enfants 2

 

Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »

Savez-vous que la pensée occidentale a modifié le comportement des chiens ? [… ] Comme tous les êtres civilisés, ils aboient beaucoup, exprimant ainsi leur participation à nos échanges verbaux. Mais si les chiens campagnards n’aboient qu’en connaissance de cause, les chiens sauvages n’aboient guère, car tous les chasseurs se taisent, quelle qu’en soit l’espèce. Nous avons là sous nos yeux, et dans nos oreilles, la réponse au très vieux débat philosophique sur les parts respectives de l’inné et de l’acquis : une espèce génétiquement douée pour aboyer devient silencieuse en milieu naturel et aboyeuse en milieu civilisé. Les chiens nous font comprendre qu’une même promesse génétique prend des formes différentes selon qu’elle se tient dans une écologie naturelle ou dans un milieu parolier.

Le monde interhumain est […] un monde où nos sens prennent sens, un monde où notre sensorialité se charge d’histoire, elle qui gouverne nos émotions autant que nos perceptions. « Je est un autre », disait Rimbaud, et Apollinaire en écho : « … Tous les autres sont en moi. » Les choses ne seraient que ce qu’elles sont si le contexte et l’histoire ne les imprégnaient pas de sens.

Puisque je m’intéresse à l’affectivité dans le monde vivant, j’ai décidé de lire un poème de Baudelaire à mon chien. Tout le monde a remarqué qu’il me regardait avec affection en remuant la queue. Aimerait-il Baudelaire ? Comme j’ai l’esprit d’expérimentation, je lui ai lu quelques pages de Lacan sur « l’adéquation de l’imaginaire et du réel ». Tout le monde a constaté qu’il manifestait exactement le même comportement affectueux. Alors je lui ai lu trois pages de Changeux sur l’inhibition de la recapture de la sérotonine par les alpha-bloquants présynaptiques. Mon chien n’a pas manifesté le moindre indice comportemental de désaveu théorique ! J’en ai conclu que, pour lui, Baudelaire, Lacan ou Changeux, c’est du pareil au même, alors que moi, je pense qu’ils expriment des mondes intellectuels très différents. En fait, mon chien s’intéresse assez peu aux théories, mais il les accepte toutes, pourvu qu’on lui parle.

Un nouveau-né organise ses relations avec autrui à partir des événements quotidiens de sa vie dans sa famille. Les affects sont échangés lors des interactions du bébé avec ses proches. La culture, dès les premiers gestes autour de la naissance, impose un code comportemental qui façonne l’enfant.

Dès le jour de sa naissance, le nourrisson est confronté à un monde mis en scène par ses parents et leur culture. La mère fournit les premières informations, comme un géant sensoriel qui progressivement se réduit pour faire place à d’autres personnages, dont les pères et les pairs sont les principaux. Mais les sociétés ne cessent de s’inventer en créant des objets, des gestes et des champs sensoriels qui façonnent biologiquement l’enfant.

Notre culture occidentale moderne supporte mal que nous flairions. Alors, nous nous lavons pour supprimer notre signature naturelle et nous nous aspergeons de délicieux parfums chimiques, culturellement tolérables. Chez certains Mélanésiens, il faut passer la main sous l’aisselle de l’ami qui s’en va, puis porter ses doigts à son nez pour signifier qu’on garde encore en soi sa trace olfactive. (Il vaut mieux se dispenser de cette bonne manière à Paris : un contresens culturel est si vite arrivé !).

Pourtant, tous les bébés du monde s’endorment facilement contre leur mère ou contre un chiffon qui en conserve l’odeur, prouvant ainsi qu’en deçà de la parole et de la culture, la sensorialité fonctionne comme une information source d’émotion qui évoque un souvenir et provoque une conduite.

Le toilettage chez les oiseaux ou les singes peut être l’analogue animal de la conversation. Lorsque deux oiseaux se lissent les plumes ou croisent leurs becs, lorsque deux singes « s’épouillent », (en fait ils se toilettent), ce touché transmet un message que traduit la phrase suivante : « Laisse-toi aller en toute confiance, je vais établir avec toi un échange affectueux du type maternel. » L’épouillage est un discours comportemental qui véhicule un message et provoque une émotion analogue au discours verbal maternel.

L’odorat est actif dès la naissance. Mais notre monde d’adultes bien-pensants nous a longtemps interdit d’en faire l’hypothèse. Seuls les animaux flairent ! Pourtant, dès sa venue au monde aérien, le nouveau-né manifeste des comportements très différents selon l’atmosphère olfactive où l’observateur le place. Lorsqu’on le couche près d’un coton imprégné de l’odeur des seins de sa mère, il s’apaise, gesticule moins, abaisse ses paupières et mastique lentement. Il suffit de le coucher de l’autre côté et de mettre son nez au contact d’un autre coton sans odeur ou imprégné d’une autre odeur, pour observer aussitôt des mouvements vifs des mains et des pieds, yeux grands ouverts et bouche close.

Le liquide amniotique est parfumé. L’odorat permet de traiter les parfums volatilisés qui s’y trouvent dilués, soit par composition chimique, soit par inhalation de la mère. Tous les mammifères manifestent une sensorialité bien avant leur naissance. Quand on fait respirer une odeur stimulante à une brebis, le cœur de son agneau s’accélère dans l’utérus. Lorsqu’on fait respirer une odeur agréable ou désagréable à une femme enceinte, le cœur de son bébé lui aussi s’accélère dans l’utérus ou son petit change de posture.

 

La suite de cette chronique se trouve ici : Intégrer des « nourritures affectives » dans l’environnement des enfants, avec Boris Cyrulnik (2/2)

Photo par Brad

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2 réponses

  1. Je suis content que tu ouvres le champ classiquement attribué à la « santé environnementale ». Les diverses pollutions existantes sont évidemment un élément central, complètement nouveau et auxquelles des millions d’années d’évolution dans la nature ne nous ont pas efficacement préparés. Mais un enfant a besoin de nombreuses choses dans son environnement, dont bien sûr la nature (c’est ce qui m’a fait accroché avec ton blog) et également de l’amour. J’ai vu que tu as questionné aussi la musique dans ce cadre, ça fait réfléchir (ça viendrait des chants des oiseaux selon toi ?). Je crois, profondément, que notre rôle de parents n’est pas vraiment de porter nos efforts sur l’enfant en tenta que tel. On doit avant tout le placer dans un environnement répondant à ses besoins profonds, et puis il n’y a plus qu’à l’observer se développer de lui-même (et s’émerveiller !)

    1. Je suis très en phase avec ton point de vue, Julien. Je crois même qu’une certaine forme de spiritualité peut être plus facilement accessible aux enfants : celle liée au contact direct avec la nature, sans l’intermédiaire de l’intellect.
      Jean-Claude Ameisen m’a assez convaincu que la musique trouve son origine dans une reproduction des sons de la nature (petits oiseaux compris !), des « paysages de sons »

      « Notre monde est empli d’innombrables sons naturels, et depuis les temps les plus reculés, les humains ont été intrigués et inspirés par ces « paysages de sons ». […]
      Nous trouvons tant de signification et tant d’émotion dans la musique, même si nous ne pouvons expliquer pourquoi elle nous fait ressentir ce que nous ressentons. Une imprécision aussi impénétrable semble nous signaler que […] la musique a une origine beaucoup plus ancienne que le langage humain. »
      Patricia Gray, Bernie Krause, Jelle Atema, Roger Payne, Carol Krumhansi, Luis Baptista. La musique de la nature et la nature de la musique. In : Science 2001.

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