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Comment les industriels manipulent la science, selon Stéphane Foucart (1/5)

L’industrie chimique étant devenue l’un des secteurs majeurs de l’économie mondiale, tout élément tenant à établir un lien entre produits chimiques et santé publique est à même de déclencher une controverse. - Al Gore

Il existe une histoire honteuse et bien connue concernant certains acteurs de l’industrie qui ignorent la science, parfois même leur propre recherche… ce faisant, ils placent la santé publique en situation de risque afin de protéger leurs propres profits. - Ban Ki-moon, alors secrétaire général de l’ONU

Chronique du livre « La Fabrique du mensonge »

Fabrique mensonge Stephane Foucart

De Stéphane Foucart, 416 pages, publié en 2014

 

Stéphane Foucart est journaliste scientifique pour le journal Le Monde. Il est spécialisé, notamment, dans les sciences de l’environnement.

La Fabrique du mensonge porte sur les mécanismes permettant aux entreprises d’utiliser la démarche scientifique à leur profit.

Ce livre fait l’objet d’une chronique en cinq parties. Cet article est la première partie de la chronique.

 

Quelques informations et points de vue intéressants, concernant la thématique « Santé des enfants et environnement »

Voici une liste d’informations et de points de vue issus du livre, en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement », et que je souhaite partager avec vous.

  • Une part de l’activité des grandes entreprises consiste aujourd’hui à manipuler la science, dans l’objectif de créer du doute.
  • Cette activité peut s’exercer de plusieurs manières : recruter des experts ; financer certains chercheurs, certaines sociétés savantes et certaines revues scientifiques ; publier des études biaisées mais présentant la même forme que des études classiques ; organiser des conférences scientifiques dont le contenu est sélectionné en fonction des objectifs de l’entreprise, etc.
  • Historiquement, l’industrie du tabac a été la pionnière de ce type d’activités. Plus récemment, les mêmes procédés ont été utilisés par des entreprises produisant de l’amiante ou certains insecticides, par exemple.
  • Selon l’Institut national d’études démographiques (INED) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’espérance de vie en bonne santé a reculé dans plusieurs pays européens, dont certains font pourtant partie des pays les plus riches. Par exemple :
    • les femmes ont vécu moins longtemps en bonne santé en 2010 qu’en 2009 en Autriche, en Estonie, en Slovaquie, en Pologne, en Finlande ;
    • de 2008 à 2009, l’espérance de vie en bonne santé a reculé en Belgique, en République tchèque, au Danemark, en Finlande, en France, à Malte, en Pologne, au Portugal, en Roumanie, en Espagne et au Royaume-Uni ;
    • en moyenne, les Européennes vivaient 62,2 ans en bonne santé en 2008, contre 62 ans en 2009 ;
    • un Français vivait en moyenne plus longtemps sans incapacité en 2008 et 2009 (62,7 ans) qu’en 2010 (61,9 ans).
  • L’espérance de vie (quel que soit l’état de santé) comprend un biais fondamental : elle est mesurée à partir de la durée de la vie des hommes et des femmes qui meurent aujourd’hui. Pour l’essentiel, ceux-ci sont nés avant la Seconde Guerre mondiale ou juste après, dans un monde très différent de celui d’aujourd’hui. Par exemple, dans ce monde de l’époque :
    • la chimie de synthèse n’était pas omniprésente ;
    • l’agriculture était largement exempte des intrants de synthèse : insecticides, fongicides, herbicides, etc.
    • les aliments n’étaient pas principalement issus de grandes entreprises agroalimentaires.
  • Le terme « espérance de vie », dans son acception populaire, est donc intrinsèquement trompeur : il sous-entend que les conditions de mortalité seront identiques, dans l’avenir, à ce qu’elles ont été jusqu’à présent, ce qui bien entendu est faux.
  • Le plus probable à ce stade, de manière évidente, est que nous vivrons moins vieux que nos aînés.
  • Ce contexte conduit à une question centrale : les inconvénients du système technique commencent-ils à surpasser les énormes bénéfices apportés depuis la révolution industrielle ?
  • Certains désagréments et certains risques sont inhérents au système technique ; ils sont indissociables de ses bénéfices. Une abondante littérature existe sur ce sujet. Mais d’autres sont superflus. Ils sont issus d’un défaut de régulation de la technique, pas de la technique en elle-même.

 

Fabrique mensonge Stephane Foucart 1

 

Quelques extraits en lien avec la thématique « Santé des enfants et environnement »

Combien de temps vivront les enfants qui naissent et grandissent dans le monde actuel ? Un fait unique et simple permet de s’en faire une vague idée. Depuis de nombreuses années, les endocrinologues savent que notre santé, la manière que nous aurons de vieillir, est en partie déterminée par les conditions dans lesquelles nous nous développons in utero et aux plus jeunes âges de la vie. Or, singulièrement depuis le dernier tiers du XXe siècle, les femmes enceintes et les jeunes enfants sont exposés à une quantité toujours plus grande de substances de synthèse qui, même et surtout à faibles doses, interfèrent avec le système hormonal et augmentent la probabilité que surviennent, plus tard dans la vie, certaines maladies — entre autres : diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers hormono-dépendants (sein, prostate, testicule, thyroïde, etc.).

L’obésité infantile, déjà très avancée en Amérique du Nord et émergente ailleurs, aura elle aussi des effets sur l’espérance de vie à moyen terme.

Il est bien entendu impossible de prévoir le moment à partir duquel nous aurons atteint le sommet de la courbe de l’espérance de vie. Peut-être au cours des deux ou trois prochaines décennies. Peut-être un peu avant, ou un peu plus tard. Des dizaines, des centaines de paramètres entrent en ligne de compte. Mais en attendant, le faible recul de l’espérance de vie en bonne santé peut être interprété comme un prélude au plateau, puis à la chute, que devrait bientôt connaître notre temps de vie stricto sensu.

S’il faut le noter, ce n’est pas pour suggérer qu’il est préférable de mourir du paludisme ou du sida plutôt que d’un cancer ou d’un infarctus. Mais bien plutôt pour prendre pleinement conscience que le système technique, son emprise actuelle et ses développements prévisibles nous font désormais subir de plus en plus de maux. Ce que nous avons fabriqué se retourne peu à peu contre nous : le constat est extrêmement perturbant.

Ces techniques de récupération et d’instrumentalisation de la science sont aujourd’hui encore mises à profit par d’autres secteurs que le tabac. Parfois les mêmes scientifiques sont mis à contribution. L’industrie du tabac n’a donc pas seulement imaginé les techniques, elle a aussi sélectionné dans la communauté scientifique les individualités qui, sans nécessairement être corrompues, prêtent une plus haute attention aux intérêts industriels qu’à l’intérêt général. […] Les cadres de Philip Morris, dans leur correspondance interne, nommaient cela se constituer « une écurie d’experts ».

Ceux qui, à un moment donné, ont le malheur de dire que la science en sait suffisamment pour prendre telle ou telle mesure sont immédiatement pointés du doigt comme les tenants dogmatiques de l’antiscience et de l’irrationalisme. En s’enfermant dans de faux débats scientifiques interminables, il devient facile de ne jamais prendre, ou alors avec retard, la moindre décision.

Aujourd’hui toute l’expertise sanitaire est fondée sur des études financées, voire conduites par les industriels eux-mêmes. Un mécanisme reconnu comme ayant conduit à gravement pervertir la science est donc devenu une norme de fonctionnement.

La possibilité d’un choix éclairé des individus est le fondement de la démocratie. Le détournement de la science est l’une des forces qui s’opposent à cette possibilité. Par détournement de la science, il ne faut pas seulement comprendre un usage mauvais, ou moralement répréhensible. Par détournement de la science, on entend le détournement de son esprit et de sa méthode. Une part de celle-ci n’est plus mise à profit pour accumuler des connaissances et faire progresser la compréhension du monde, mais pour créer de l’ignorance, de l’incertitude et du doute, détourner l’attention, semer la confusion.

La cigarette est sans aucun doute la plus perturbante anomalie de notre monde. Encore faut-il y réfléchir pour en prendre conscience : c’est dans nos habitudes, dans les gestes devenus si banals et répétitifs que nous ne les percevons même plus, que se tiennent tapies les choses devant le plus nous porter à l’indignation. S’il faut déplorer la cigarette, ce n’est pas par souci d’hygiène publique ou par volonté de contraindre les individus à je ne sais quel savoir-vivre. Ce n’est même pas pour éviter de les voir mourir trop tôt. La catastrophe de la cigarette est bien sûr une catastrophe sanitaire de première importance, mais elle est surtout un désastre éthique qui révèle que nous pouvons nous accommoder de l’inacceptable, que nous pouvons même être mis en situation de ne plus le percevoir.

 

La seconde partie de cette chronique se trouve ici : Comment les industriels manipulent la science, selon Stéphane Foucart (2/5)

 

Cette chronique met en avant l’importance de protéger les enfants des substances préoccupantes, par soi-même avant tout, car les actions des pouvoirs publics peuvent être très insuffisantes. Ce blog a pour mission de vous aider et de vous accompagner dans votre démarche ! Pour vos premiers pas, vous pouvez vous appuyer sur le guide gratuit téléchargeable ci-dessous.

Photo par Kyle Lichtenwald

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3 réponses

  1. Hello Guillaume,
    Merci pour cette chronique, hâte de lire la suite de ce premier article !

    C’est anecdotique, mais le passage « La cigarette est sans aucun doute la plus perturbante anomalie de notre monde. Encore faut-il y réfléchir pour en prendre conscience : c’est dans nos habitudes, dans les gestes devenus si banals et répétitifs que nous ne les percevons même plus… » m’a fait penser à quelque chose à laquelle j’ai souvent pensé, même aujourd’hui où les impacts négatifs de la cigarette sont bien connus et où il me semble que des mesures significatives de santé publique ont été prises en France, j’ai l’impression que le fait de jeter les mégots par terre, même dans un parc où des enfants jouent par terre par exemple, reste encore une geste banal dont les gens (en tout cas la plupart des fumeurs) ne se rendent pas compte de l’anomalie… Mais j’ai eu l’heureuse surprise d’apprendre récemment que la ville de Paris commençait à prendre aussi des mesures sur ce point…

    1. Coincidence (?) : ton exemple a été repris hier par Nicolas Hulot, au moment de sa décision, pour illustrer les contradictions existant au sein de la population et ses doutes sur le fait que nous soyons prêts aux grands changements que la situation exige (puisque certains gestes simples ne sont pas appliqués, massivement)

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